Mise à jour du 06/12/2024 - Une petite mise à jour, non pas pour annoncer déjà la venue d’un nouveau PDG, mais pour faire part de la nomination de deux pointures de l’industrie du semiconducteur au conseil d’administration d’Intel ! Pendant que se poursuit la chasse au PDG, d’autres mouvements ont déjà eu lieu au sommet de la compagnie. En effet, Eric Meurice et Steve Sanghi ont rejoint Intel en tant qu’administrateurs indépendants. Le premier est l’ancien président et PDG d’ASML, où il aura travaillé de 2004 à 2013 et joué un rôle central dans la transformation et le succès d’ASML.
Je suis ravi de rejoindre le conseil d’administration d’Intel au moment où la société achève un rythme historique d’innovation en matière de technologie des procédés et transforme ses activités pour l’avenir. Je me réjouis de travailler avec mes collègues administrateurs pour renforcer la compétitivité d’Intel sur le marché et obtenir des résultats financiers durables".
Le second a été PDG de Microchip Technology pendant 30 ans (presque un record dans l’industrie), de 1991 à 2021, un long règne plutôt réussi. À ce jour, il est toujours président du conseil d’administration et a dernièrement accepté d’assurer l’intérim de la fonction de PDG chez Microchip.
Je suis ravi d’apporter mon expérience et mon point de vue au moment où Intel met en œuvre l’une des transformations d’entreprise les plus importantes depuis des décennies. Intel est bien positionnée pour tirer parti d’opportunités attrayantes dans ses activités de produits et de fonderie, et je suis impatient de travailler avec le conseil d’administration et l’équipe de direction pour atteindre les objectifs que la société s’est fixés.
Bref, on peut dire que ce sont de vrais vétérans et quasiement des célébrités dans le milieu. Reste à voir s’ils seront en mesure d’avoir un impact quelconque sur Intel... Rappelons aussi que c'est le comité en question qui cherche et va nommer le futur PDG. Du reste, ce n’est certainement pas le travail qui manque. Intel est un défi de taille et c’est peut-être d’ailleurs bien ce qui motive ce genre de personnalité. De plus, il faut reconnaitre qu le comité actuel manquait cruellement de membres avec une vraie expérience et expertise en matière de semiconducteur, notamment depuis le départ de membres avec ce type de bagages. Accessoirement, le comité est sans aucun doute au moins autant responsable de la situation actuelle d'Intel que ne le sont les deux derniers PDG en date.
Pour l’anecdote, Pat Gelsinger avait rejoint le comité d’administration d’Intel en 2019 (également avec l'aura d'un vétéran), soit 2 ans environ avant de devenir grand manitou.
C'est un excellent pas dans la bonne direction, mais c'est comme engager un chirurgien et un oncologue après que le cancer soit passé au stade 4. Il est peut-être trop tard, mais c'est la bonne direction.
L'avis de Fabricated Knowledge.
Texte du 05/12/2024 - Pat Gelsinger est donc "parti" dans le cadre d’un départ à la retraite aussi soudain qu’inattendu. Quand bien même personne ne l’a dit officiellement, presque tout le monde s’est accordé sur le fait que le PDG ingénieur ne faisait plus du tout l’unanimité parmi les grands pontes de la boite, et que celui-ci avait planifié de s’en séparer. Notez que seulement 3 jours se seront écoulés entre la signature du contrat pour le CHIPS Act avec le gouvernement et le départ de Patoche. Coïncidence ? Il n'est pas impossible que le conseil d'administration ait choisi d'attendre cette signature avant d'agir, afin de ne pas risquer de compromettre le processus. La rétroactivité du communiqué annonçant la retraite du PDG fut également assez inhabituelle. En temps normal, il est de coutume que le PDG sortant donne à minima les clés au PDG entrant et lui présente son nouveau fauteuil en cuir noir. Par ailleurs, à l’époque, le conseil d’administration d’Intel avait donné 4 ans (environ) au nouveau PDG pour remettre l’entreprise sur le droit chemin (d’où le fameux plan 5N4Y, "5 nœuds en 4 ans"). Pat a fini par servir 3 ans et 10 mois… Visiblement, pour certains, le contrat n’a pas été rempli et la confiance n’était plus d’actualité.
Bref, tout semble indiquer qu’il n’y a rien eu de très volontaire dans la "décision" apparente de départ à la retraite de Mr Gelsinger, ce qui ne l'empêchera apparemment pas de recevoir une "petite" indemnité de 12 millions de dollars dans la foulée. Mais peu importe qu’il soit parti de lui-même sur un coup de tête ou qu’il ait été mis à la porte suivant une "motion de censure" à l’image de notre compatriote Barnier, le résultat est le même : il faut un nouveau chef ! Mais qui oserait reprendre la barre d’un paquebot en détresse ?
"Tout le monde veut prendre sa place"... Ou plutôt, "personne" ?
Assez naturellement, le comité de chasse au PDG fraichement formé par Intel aurait plusieurs candidats potentiels à évaluer sur sa liste. Majoritairement des personnalités externes à l’entreprise. Par exemple, Matt Murphy, le PDG actuel de Marvell, en ferait partie, mais celui-ci aurait déjà fait savoir qu’il n’était pas intéressé. Un autre serait Lip-Bu Tan ! On ne vous en voudra pas si le nom ne vous évoque pas grand-chose. Mais ce n’est pas n’importe qui. Il se trouve que Lip-Bu Tan est un investisseur chevronné dans l’industrie technologique et il a un sacré CV : anciennement PDG de Cadence Design Systems, présentement président exécutif de Cadence Design Systems, président de Walden International, une société de capital-risque et accessoirement, récipiendaire en 2023 du Lifetime of Innovation Award de l’IMEC ! Il a fondé Walden Catalyst Venture en 2021 spécifiquement pour aider "les entreprises en phase de démarrage aux États-Unis, en Europe et en Israël à créer la prochaine génération d’entreprises dans le domaine des nouvelles technologies", telles que l’IA. Somme toute, c’est un monsieur avec de la bouteille, avec de bonnes relations et qui est donc a priori assez respecté dans l’industrie du semiconducteur.
L’autre information importante, c’est que Lip-Bu Tan a déjà siégé brièvement au conseil d’administration d’Intel, qu’il avait rejoint en septembre 2022. Après son arrivée, il avait endossé des responsabilités liées aux opérations de production d’Intel. Néanmoins, il en est sorti en aout 2023. Officiellement, pour des raisons personnelles et pour se concentrer sur autre chose. Officieusement, parce qu’il y avait eu des désaccords persistants en particulier avec Pat Gelsinger sur plusieurs points, notamment la gestion d’un personnel pléthorique, l’organisation trop complexe avec des postes redondants et trop de managers inutiles, la culture paralysante d’aversion au risque et une stratégie défaillante vis-à-vis de l’IA… On en déduit qu’une arrivée au poste du personnage en question se traduirait fort probablement par un gros revirement stratégique, potentiellement avec le retour de l’activité produit et de conception au premier plan, et la relégation de l’activité de fonderie pure-play au second. Il convient toutefois de préciser que Lip-Bu Tan n’a jamais vraiment dirigé une entreprise aussi complexe qu’Intel.
Ainsi, avec le départ de Pat, le conseil d’administration aurait décidé de voir si Mr Tan serait intéressé de revenir, cette fois-ci pour prendre les commandes de la compagnie. Ni Intel ni Walden Catalyst n’ont voulu commenter l’information. Le choix dépendra assurément des objectifs du conseil d’administration pour le prochain PDG et du temps dont il dispose pour faire son choix. Le plus gros défi sera certainement de trouver un ou une volontaire avec les épaules assez larges et solides pour poursuivre la transformation d’un géant historique du semiconducteur, important pour l’économie, la défense et l’industrie américaine, et qui se trouve par conséquent aussi dans le collimateur politique. En tout cas, on dirait bien que l'idée générale est de dénicher une personnalité avec une vision assez opposée à celle de l'ancien PDG. Il faut faire remonter l'action, pardi !
Pour l’anecdote, le co-PDG par intérim, David Zinser, a récemment affirmé lors de la conférence UBS Technology 2024 qu’Intel aura un futur PDG avec une expertise en matière de fabrication ainsi qu’une expérience dans le domaine des produits. Il a également assuré que la "stratégie de base d’Intel reste intacte". De son côté, Naga Chandrasekaran, le boss de la production et de la chaine d’approvisionnement, a souligné qu’Intel a besoin d’un "changement culturel significatif" pour espérer pouvoir (re)devenir pertinent dans le domaine de la fonderie et du semiconducteur. À ce sujet, personne ne viendra le contredire… (Source : Reuters, Tom's)