Europe et batterie remplaçable : la législation définitive signée, mais aussi un peu allégée

La semaine dernière, l'Europe a finalement déjà réussi à se mettre d'accord autour de la nouvelle législation visant à réviser en profondeur les règles du jeu concernant les batteries (toutes les batteries !), en matière d'intégration dans les appareils, mais aussi de gestion des déchets, notamment pour le recyclage. Si vous n'avez pas suivi l'affaire depuis le début ou tout simplement pour vous rafraichir la mémoire, nous vous invitons à relire cette actualité pour (re)découvrir les grandes lignes du texte en question. Le travail a bien avancé depuis mi-juin, avec le projet approuvé par le Parlement européen, puis la signature la semaine dernière de la version définitive de la législation par la Commission européenne et le Conseil de l'Europe. Autrement dit, tous les partis impliqués ont donné leur feu vert et plus rien ne s'oppose désormais à la publication officielle de la loi. Si le cœur vous en dit et que vous cherchez absolument à occuper votre lundi (ce qui n'est pas notre cas), c'est par ici pour consulter le très austère PDF de 366 pages du règlement du parlement européen et du conseil. Rassurez-vous, il est en français.

Voici tout de même quelques extraits importants, à commencer par la définition européenne d'une batterie portable, le type se trouvant dans la grande majorité de nos appareils du quotidien, notamment dans nos smartphones. 

 "batterie portable", une batterie qui est scellée, pèse 5 kg ou moins, n'est pas spécifiquement conçue pour un usage industriel et n'est ni une batterie de véhicule électrique, ni une batterie MTL, ni une batterie SLI. (Page 95)

 Une batterie portable devrait être considérée comme étant amovible par l'utilisateur final lorsqu'elle peut être retirée à l'aide d'outils disponibles dans le commerce et sans nécessiter le recours à des outils spécialisés, à moins que ceux-ci ne soient fournis gratuitement, ou à des outils exclusifs, à de l'énergie thermique ou à des solvants pour la démonter. Les outils disponibles dans le commerce sont considérés comme étant des outils mis à la disposition de tous les utilisateurs finaux sur le marché, sans qu'il soit nécessaire à ceux-ci de fournir la preuve d'un quelconque droit de propriété, et qui peuvent être utilisés sans restriction, à l'exception de restrictions liées à la santé et à la sécurité.  (Page 30)

Première petite échappatoire apparente pour les constructeurs. Proposer des batteries remplaçables avec les outils disponibles dans le commerce ne saurait être trop difficile et au pire des cas, il suffirait donc de fournir gratuitement les outils plus spécialisés (mais non exclusifs) avec les appareils. Cependant, l'interdiction d'usage d'énergie thermique (par exemple, avec un sèche-cheveu, mais allez savoir si cela concerne aussi le fer à souder...) pour le retrait d'une batterie est une restriction notable, une grande majorité des constructeurs faisant usage de colle pour sceller leurs smartphones et attacher la batterie. La notion de gratuite aussi est cruciale, espérons qu'elle permettra d'éviter l'avènement de machins comme l'iTournevis... Rappelons encore une fois que la législation ne concerne pas que les téléphones, mais tous les appareils avec batterie.

 Toute personne physique ou morale qui met sur le marché des produits incorporant des batteries portables ou des batteries MTL veille à ce que ces batteries soient disponibles comme pièces détachées de l'équipement qu'elles alimentent pendant une durée minimale de cinq ans après la mise sur le marché de la dernière unité du modèle d'équipement, à un prix raisonnable et non discriminatoire pour les professionnels indépendants et les utilisateurs finaux. (Page 131)

 Le logiciel ne doit pas servir à entraver le remplacement d'une batterie portable, d'une batterie MTL ou de leurs composants essentiels par une autre batterie compatible ou des composants essentiels compatibles. (Page 131)

Ci-dessus, petit clin d'œil à Apple !

 Afin de garantir la sécurité des utilisateurs finaux, le présent règlement devrait prévoir une dérogation limitée, pour les batteries portables, aux exigences en matière de retrait et de remplacement fixées pour les batteries portables concernant les appareils qui incorporent des batteries portables et qui sont spécifiquement conçus pour être utilisés, pendant la majeure partie du service actif de l'appareil, dans un environnement régulièrement soumis à des projections d'eau, à des flux d'eau ou à une immersion dans l'eau, et qui sont destinés à être lavables ou rinçables. Cette dérogation ne devrait s'appliquer que lorsqu'il n'est pas possible, en modifiant la conception de l'appareil, de garantir la sécurité de l'utilisateur final et la poursuite de l'utilisation de l'appareil en toute sécurité après que l'utilisateur final a correctement suivi les instructions en matière de retrait et de remplacement de la batterie. Lorsque la dérogation s'applique, le produit devrait être conçu de manière à ne pouvoir être retiré ou remplacé que par des professionnels indépendants, et non pas par des utilisateurs finaux. (Page 31)

Voici la première dérogation la plus notable du texte paraissant bel et bien décrire une grande majorité des smartphones moyen et haut de gamme du marché, à savoir tous ceux qui sont étanches ou plus ou moins résistants à l'eau et à la poussière ! On imagine déjà sans trop de mal que les fabricants auront bien du mal à revoir leurs copies pour modifier la conception de leurs appareils, et arriver à garantir le maintien de la sécurité de l'utilisateur et le bon usage de l'appareil si celui-ci venait à en remplacer la batterie, qui pourrait donc continuer à être installée de façon à être remplaçable uniquement par un professionnel, en somme comme aujourd'hui. Il y a fort à parier que tous les smartphones (et beaucoup d'autres appareils) deviendront soudainement "étanches" à l'avenir, même les moins chers...

Enfin, plusieurs sources mentionnent également qu'un appareil ne sera pas soumis à l'obligation d'une batterie amovible et remplaçable dès lors que celle-ci est de "haute qualité". Pour l'Europe, cette notion fait référence à une batterie arrivant à conserver 83 % de sa capacité d'origine après 500 cycles de charge ou 80 % après 1000 cycles. Notez que nous n'arrivons pas à trouver de source officielle pour cette information, néanmoins rapportée un peu partout. Elle n'apparait pas dans le texte ci-dessus. Mais, dans le cas où cette dérogation devait bel et bien exister, nous pouvons dire adieu au doux rêve de smartphones haut de gamme type iPhone ou Galaxy Sxx équipés d'une batterie remplaçable ! En tout cas, il ne fait aucun doute qu'un lobbying très intense par les gros constructeurs et les industriels a eu lieu auprès des instances européennes et que l'une ou l'autre dérogation en est le fruit.

Bref, la volonté initiale semble avoir été quelque peu édulcorée et sa portée réduite. Mais, nous n'irons cependant pas jusqu'à qualifier le texte d'inutile comme d'autres ont pu le faire. Après tout, celui-ci va tout de même introduire un bon paquet d'avancées importantes, qui formera de plus un combo assez intéressant avec l'obligation de l'USB-C et devrait déjà contribuer à améliorer une situation largement insoutenable, même si nous aurions naturellement préféré que les législateurs aillent d'emblée encore plus loin. Peut-être avec une V2 de la législation ou un complément plus strict d'ici à quelques années ? En attendant, ce serait également plus que bienvenu qu'ils s'intéressent enfin aux mises à jour logicielles, particulièrement celles de sécurité, un autre point très important pour la longévité d'un produit. Aucune date n'a encore circulé pour la publication du nouveau texte au Journal Officiel de l'Union Européenne. (Source : Europe, WinFuture)