Beaucoup de gros dossiers en cours côté européen, que ce soit chez le Parlement européen avec le domptage de l'IA, ou chez la Commission européenne avec son offensive contre la gestion des affaires publicitaires de Google - encore heureux, dira-t-on ! La semaine dernière, le Parlement européen a approuvé à 587 voix contre 9 (et 20 abstentions) un nouveau texte - qui avait été annoncé fin 2022 - légiférant sur le cas particulier des batteries et couvrant la totalité du cycle de vie de celles-ci, de la conception au recyclage, tout en prenant en compte les futures évolutions technologiques, de même que les enjeux présents et futurs de ce secteur. L'objectif est de réviser en profondeur les règles du jeu, et ce, pour tous les types de batteries vendues dans l'espace européen ! Avant de continuer, en voici les grandes lignes :
- Plus d'exigences strictes pour la collecte des déchets, l'efficacité du recyclage et la récupération des matériaux.
- Des exigences de durabilité, de performance et d'étiquetage plus rigoureuses.
- Une politique de diligence raisonnable pour faire face aux risques sociaux et environnementaux.
- Les piles portables dans les appareils seront plus faciles à remplacer.
Plus en détail, cela donne ceci :
- Une déclaration obligatoire de l'empreinte carbone et une étiquette pour les batteries des véhicules électriques (VE), les batteries des moyens de transport légers (MTL) (par exemple, pour les scooters et les vélos électriques) et les batteries industrielles rechargeables d'une capacité supérieure à 2 kWh.
- Concevoir les piles portables des appareils de manière que les consommateurs puissent facilement les retirer et les remplacer eux-mêmes.
- Un passeport numérique pour les batteries des MTL, les batteries industrielles d'une capacité supérieure à 2 kWh et les batteries des VE.
- Une politique de diligence raisonnable pour tous les opérateurs économiques, à l'exception des PME.
- Des objectifs plus stricts de collecte des déchets : pour les piles portables - 45 % d'ici à 2023, 63 % d'ici à 2027 et 73 % d'ici à 2030 ; pour les batteries des MTL - 51 % d'ici à 2028 et 61 % d'ici à 2031.
- Des niveaux minimaux de matériaux récupérés à partir des déchets de batteries : lithium - 50 % d'ici à 2027 et 80 % d'ici à 2031 ; cobalt, cuivre, plomb et nickel - 90 % d'ici à 2027 et 95 % d'ici à 2031.
- Des niveaux minimaux de contenu recyclé à partir des déchets de fabrication et de consommation pour une utilisation dans de nouvelles batteries : huit ans après l'entrée en vigueur de la réglementation - 16 % de cobalt, 85 % de plomb, 6 % de lithium et 6 % de nickel ; treize ans après l'entrée en vigueur : 26 % de cobalt, 85 % de plomb, 12 % de lithium et 15 % de nickel.
La mesure concerne tous les appareils à batterie(s) de notre quotidien, de la voiture avec des kilos de lithium à la petite télécommande à pile(s), dans le domaine industriel et grand public. Naturellement, certains segments seront bien plus emmer... impactés que d'autres et vous l'aurez probablement déjà deviné, le smartphone est un bel exemple d'appareil se trouvant en toute première ligne ! Pourquoi ? Tout simplement parce que la loi stipule que leur batterie devra à l'avenir être facilement accessible et remplaçable par le consommateur lui-même !
Hélas, cela fait bien longtemps que la majorité des smartphones ont majoritairement délaissé ce concept, qui était pourtant de vigueur à une (belle) époque. L'excuse généralement avancée est que beaucoup de nos smartphones sont aujourd'hui plus ou moins étanches et donc virtuellement plus résistants (en omettant l'omniprésence du verre, qui sera toujours un point d'extrême fragilité). Cependant, des constructeurs ont déjà prouvé qu'il est parfaitement possible de faire un smartphone étanche avec une batterie dont l'accès est facile et le remplacement aisé. Certes, cela donne souvent des téléphones plus épais, alors que la finesse de ces appareils est largement devenue un argument marketing... Mais, est-il vraiment le plus pertinent ? D'un autre côté, l'opération de remplacer la batterie est aussi devenue franchement délicate et le coût de la faire réaliser par des mains expertes ne rend pas son exécution toujours très intéressante par rapport à l'achat d'un nouveau téléphone.
🇪🇺The European Parliament just approved a new #battery regulation & there is plenty of good news for #repair!
— Right to Repair Europe (@R2REurope) June 14, 2023
🔋We celebrate the progress on battery removability & availability! All new portable devices & light means of transport will have to have replaceable #batteries
1/6 pic.twitter.com/dgI5r7H1XM
Quoi qu'il en soit, quand bien même cela parait impensable, les constructeurs tels qu'Apple et Samsung devront donc a priori devoir revoir leurs conceptions, plus spécifiquement la façon dont la batterie est intégrée et branchée, pour prendre en compte cette nouvelle obligation, qui n'est pas des moindres. Nous entendons déjà d'ici à la plupart d'entre eux râler et insulter l'Europe ! Inversement, FairPhone doit être en train de jubiler de voir que son modèle d'affaire représente désormais l'avenir.
Attention, la chose n'est toutefois pas encore totalement dans le sac. En effet, le Conseil européen doit encore approuver et valider le texte avant qu'il puisse être publié au journal officiel de l'Union européenne et il est fort probable qu'il y aura encore beaucoup de lobbying entre-temps, au moins pour obtenir des passe-droits ou des extensions au-delà de l'entrée en vigueur du texte. À ce propos, 3 ans et demi seront accordés aux fabricants après la publication de la loi pour se conformer aux nouvelles exigences. Aucune date officielle n'a encore été donnée, mais il faut de toute évidence ne pas s'attendre à voir du changement avant 2027, au plus tôt et au mieux.
Un délai aussi long est cependant regrettable. Il se trouve que le texte prévoit aussi bon nombre d'exceptions, notamment fondées sur des allégations liées à la sécurité, que les fabricants ne se gêneront pas d'exploiter, ne nous leurrons pas. Enfin, la législation ne s'intéresse pas aux prix des batteries (qui devront être disponibles pendant 5 ans après la commercialisation de la dernière unité du modèle de batterie sur le marché) pour le consommateur. Ce dernier détail pourrait être un point à traiter via le travail de la Commission européenne sur le droit à la réparation, mais il semblerait que ce ne soit pas le cas pour l'instant...
À l'image de l'obligation de l'usage de l'USB-C, cela n'en reste pas moins dans l'ensemble une très bonne avancée pour le consommateur (en Europe, mais potentiellement aussi dans le Monde) et en principe aussi pour l'environnement (enfin, espérons-le). Nous avons hâte de voir ce que ça donnera ! En parallèle, un autre changement qui serait également très bien venu, notamment dans le cas du smartphone, c'est que les fabricants soient obligés de fournir des mises à jour (au moins de sécurité) pour leurs appareils pour une durée minimale obligatoire. Cinq ans nous paraîtraient être un strict minimum assez raisonnable, et ceci complèterait justement de surcroit plutôt bien la nouvelle législation sur les batteries, ou encore celle sur le droit à la réparation. Un jour, peut-être ? (Source : Parlement européen)
Personnellement je rêve d'une loi forçant la réparabilité des batteries, car sur téléphone et sur certains ultraportables c'est carrément pas glop, alors que c'est pour moi le premier truc que j'ai besoin de changer après une utilisation continue sur 2-3 ans... Je comprends que les contraintes sont fortes sur ces appareils quant à la taille toujours plus fine, mais à un moment il faut faire des choix entre design et réparabilités.
Tout à fait, quand on voit les boutique "réparateur de smartphone", qui poussent comme des pâquerettes, je me dit qu'ils sont visionnaires en faite, il est plus "judicieux" de faire réparer que de racheter (je fait allusion aux smatphones..), la réparabilité deviens de moins en moins plausibles, rien qu'à voir le design de plus en plus fin,exemple→ il n'y a aussi plus de "trape" pour accéder" à la batterie de façon sécuritaire (par moment soudé de surcroit).
C'est une super nouvelle (et une super analyse) ! Il y a beaucoup de périphériques à batterie, notamment des claviers, qui pourraient durer des décennies sans être dépassés technologiquement ou sans perdre une once de leur utilité si seulement leur batterie inamovible n'en faisait pas des périphériques jetables.
Les efforts des géants du num pour faire de la résistance seront sans doute gigantesques tant l'obsolescence programmée fait leurs affaires mais c'est vraiment une belle avancée pour les consommateurs !
Reste que 2027 c'est effectivement loin - surtout si, à compter de cette date, les constructeurs ont quelques années pour se mettre en conformité - mais les différents standards que parvient petit à petit à imposer l'UE aux marchés mondiaux (de la donnée, de la compatibilité hardware, de l'interopérabilité, de la lutte contre l'obsolescence...) font vraiment plaisir.