Ic Alps Wafer Pdg

Si la production de semi-conducteur est limitée en France, le savoir-faire n'a pourtant pas tout à fait fuit le pays. En témoigne IC'Alps, spécialiste de l'ASIC et partenaire d'Intel... entre autres.

Lors de notre excursion à l’Intel Foundry Direct Connect, nous avons été abreuvés d’informations quant aux finesses de gravures et autres divers plans des bleus. La plus grande réorganisation de la firme est sans nul doute l’ouverture des carnets de commandes des fonderies de la maison à qui le souhaite — Mediatek ayant par exemple déjà signé pour une production de SoC sur un node mature, le Intel 16. Cependant, transitionner d’une chaîne de commande interne à un écosystème ouvert aux clients n’est pas une mince affaire : de nombreux services doivent être proposés de manière à guider les clients du design à la production. Autant de métiers hors des compétences des bleus qui sont, à vrai dire, déjà le cœur de cible de certaines entreprises, y compris au sein de l’hexagone.

Ic Alps Wafer Pdg

Paradoxalement, c’est donc à l’autre bout du monde, à San Jose, que nous retrouvions des français versés dans le domaine. Ou plutôt, que nous manquions, puisque c’est par l’intermédiaire de notre section commentaire que nous avons dégoté un rendez-vous avec le PDG d’ICAlps, Jean-Luc Triouleyre, dont l’entreprise est fièrement membre de la Value Chain Alliance d’Intel. Son cœur de métier ? Le design, l’accompagnement et la maîtrise d’ouvrage d’ASIC — ces circuits spécialisés gravés sur silicium, utilisés dans les cas extrêmes où ni les CPU, ni les GPU, ni même les FPGA ne conviennent à la tâche.

IC'Alps, une PME française, citée par le géant Intel comme l’un des trois partenaires de la Value Chain Alliance : la consécration d’un savoir-faire français !

De bonne réputation selon des sources internes à l’industrie du semi-conducteur français (oui oui, cela existe !), Jean-Luc est ce qu’on nomme dans le jargon, un hardeux, c’est-à-dire un expert formé à la conception matérielle, pour qui pilotes et autres OS sont déjà des couches généralistes. Vous venez du monde logiciel ? « Personne n’est parfait », vous répond-il. Du tact, c'est sûr, le PDG d’IC'Alps en a en effet à revendre : il se décrit même comme « le vilain petit canard qui a quitté Dolphin Design [une autre boite grenobloise du semiconducteur, NDLR] un an avant son rachat ».

Une transaction que notre homme avait largement vu venir, tant son CV témoigne d’une forte synergie avec le monde du semiconducteur : premièrement employé chez Canon à l’époque où une partie de leurs designs étaient conçus en France, Jean-Luc a par la suite cofondé sa première entreprise, toujours dans le domaine des circuits imprimés sur silicium. Nommée MnD Semiconductors (Method and Design), la boite est rachetée en 2007 par… DXO (tiens, tiens !) pour la mise au point des tout premiers ISP, les processeurs spécialisés dans le traitement d’image des capteurs de smartphone. Il s’en est suivi 6 ans chez Dolphin Design à gérer les activités côté ASICs, avant de cofonder et diriger l’entreprise qui nous intéresse aujourd’hui : IC’Alps.

Icalps Jean Luc Triouleyre

Jean-Luc Triouleyre, PDG d’IC'Alpes. Si l’exercice de la pose ne lui sied guère, on ne peut en dire autant de la conception de circuits !

Encore et toujours centrée sur les ASICs, IC'Alps est ainsi triplement certifiée médicale, militaire/aérospatiale et critère commun (SIM, cartes bancaires,…), ce qui lui permet de proposer des services de conception et de maîtrise d’ouvrage pour la production/le test d'une grande variété de circuits spécialisés. Vu le secteur, inutile d’avoir recours à leurs services en tant que particuliers ! En revanche, les professionnels à la recherche de l’accélération et le traitement efficace énergétiquement de tâches diverses — par exemple la miniaturisation d’un pacemaker ou la personnalisation de sondes à ultrasons pour les échographies — seront ravis d’avoir un interlocuteur unique pour superviser de bout en bout leur projet. Selon la demande, la firme est ainsi capable de livrer uniquement une IP (c’est-à-dire les plans d’un accélérateur à rajouter dans un SoC plus grand), un design (les plans du SoC en tant que tel) ou la puce fonctionnelle, en supervisant et négociant directement avec les fondeurs quelques wafers, voire quelques mm2 sur un masque partagé avec d’autres clients pour les séries les plus réduites. Rajoutez que l’adaptation d’une IP à un procédé de gravure est loin d’être l’affaire de quelques heures, car les lithographies de pointe sont extrêmement complexes et influencent l’agencement même des structures internes : rajout de diodes permettant de limiter les courants inter couches lors des différentes étapes de dépôts à la production, rajout de métal inutile aux calculs dans les couches supérieures pour limiter les interférences… autant de contraintes qu’il vaut mieux connaître avant de réaliser le premier tape-out !

Tout comme Intel propose plusieurs finesses de gravures, IC'Alps travaille en collaboration avec de nombreux fabricants, dont TSMC. En fait, nos français avaient déjà décroché il y a deux ans une place dans la DCA (Design Center Alliance, les partenaires recommandés) du fondeur taïwanais. Intel, lors de sa recherche de partenaires visant à remplir les lignes de production, a alors naturellement toqué à la porte d’IC'Alps pour leur proposer une place dans leur propre Value Chain Alliance, leur ouvrant ainsi la porte du 18A, sur lequel les ingénieurs sont à l’heure actuelle en train de se faire la main en adaptant diverses IP existantes. Une reconnaissance dont la firme n’est pas peu fière : cocorico ! 

Icalps Intel Logo

Dans une société qui se crispe de plus en plus quant à la localité de la production, IC'Alps possède de ce fait des atouts de taille. Les collaborations de la firme avec STMicroelectronics (Crolles, Isère) ou X-Fab (Corbeilles-Essonne, Essonne) permettent notamment de concevoir et manufacturer des circuits intégrés — certes sur des nodes matures — sans sortir des frontières du pays. En cherchant un peu plus loin, GlobalFoundries (anciennes fonderies de chez AMD) possède des usines en Allemagne (Dresde, Saxe), tout comme l’autrichien AMS (spécialisé dans les capteurs) ; autant de fils qui pourraient être tirés pour la consolidation de la chaîne de production européenne. Si ces collaborations sont d’ores et déjà fructueuses sur des domaines spécifiques tel le médical, la route est encore longue pour un accélérateur haute performance (CPU, GPU, ou autre…) ; et pourra difficilement se passer d’un investissement des gouvernements en place. Reste à voir si la potentialité trouvera un défenseur du côté des pouvoirs publics !

Double Doc


  • interessant et rejouissant qu'en France, nous avions toujours ces compétences en production (on les a notamment à l'IRISA de Rennes en proof of concept). Vivement une boite qui nous propose du hardware conçu et produit localement, avec un label AOC :P

  • Très intéressant, on sait maintenant qui séquestrer pour les obliger à pondre un GPU ! 😎

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