Unity

Si votre titre tournant sous Unity dépasse 200k installations ou génère plus de 200k $ sur une année, il va falloir passer à la caisse... même rétroactivement !

Le voilà, il nous avait manqué, le bon gros débat de rentrée bien clivant pour tromper l’ennui et le retour au boulot ! Cette année, c’est à Unity Technologies d’en faire les frais, avec un changement dans ses conditions d’utilisations, et plus précisément dans sa politique tarifaire. En effet, selon la nouvelle version (qui entrera en vigueur en janvier 2024), tout jeu qui sera basé sur leur moteur Unity (et plus précisément, qui ferait usage de l’Unity Runtime dans le produit fini, par opposition à l’Unity Editor qui n’est utilisé que dans le processus de création du jeu) devrait des royalties à la firme. Voyez plutôt :

Plan Unity Personal/Unity Plus Unity Pro Unity Enterprise
Plafond minimum 200 000 $ et 200 000 installations 1 000 000 $ et 1 000 000 installations
Coût des 1-100K premières installations (au-dessus du plafond) 0,20 $ 0,15 $ 0,125 $
Coût unitaire pour les 400K installations suivantes 0,075 $ 0,06 $
Coût unitaire pour les 500K installations suivantes 0,03 $ 0,02 $
Coût unitaire pour les installations restantes (> 1M installations au-dessus de plafond) 0,02 $ 0,01 $
Coût unitaire pour les installations dans les pays émergent 0,02 $ 0,01 $ 0,005 $

Ainsi, pour chaque installation d’un titre utilisant le moteur, après qu’un plafond du nombre d’installations et de revenus ait été dépassé, les studios devront s’acquitter d’un montant fixe pour chaque installation supplémentaire. Montant qui dépendra du montant du dépassement du plafond et du plan initialement choisi, qui, lui, est également assujetti à un abonnement. Par exemple, la souscription Unity Pro vous allège de 2 040 $ annuellement, ou de 185 $ par mois, le tout pour une personne… vous comprenez que les dents grincent. Pour le moment, les modalités précises de comptage des installations ne sont pas claires : initialement, les réinstallations et installations sur d’autres supports comptaient, mais la firme a depuis fait machine arrière, tout en se contredisant dans leur propre FAQ ! Exit également la facturation des copies pirates (c’eût été un comble !), des démos, des jeux web et des bundles caritatifs (que les fans d’Humble Bundle se rassurent… Mais pas ceux des soldes Steam !). En revanche, la question du mode de suivi des installations n’est pas résolue, ce qui risque de se terminer en « copies vendues » — ce qui n’est pas vraiment plus clair à vérifier avec le marché gris des clefs ! Officiellement, la firme annonce avoir leur propre tambouille interne pour vérifier ça, nous la leur souhaitons d’être compatible avec le RGPD !

Unity License Change Hnco

De plus, ce changement est rétroactif : si des jeux déjà en circulation ont atteint les plafonds, chaque nouvelle installation (à partir de janvier 2024, et sans compter les installations préexistantes au-dessus du plafond) sera assujettie à la dîme Unity. Une ironie bien amère quand la firme proposait jusque là un modèle garantissant la gratuité du runtime via un suivi (décédé) sur GitHub (mais pas de leur propre site...) de la licence pour pouvoir retracer ses modifications… Cheh . Fort heureusement, les jeux non monétisés (ce qui n’inclut pas les jeux munis de microtransaction ou de publicité donc) ne sont pas touchés : une bien maigre consolation qui ne satisfait pas du tout les développeurs. Notez que, chez la concurrence, l’Unreal Engine repose sur un modèle proche avec une première offre autorisant l’usage et la distribution libre de matériel incluant du code de l’engin tant que vous ne générez pas plus d’un million de dollars de chiffre d’affaires brut via chaque création concernée. Une fois ce plafond passé, 5 % de vos revenus bruts irons à Epic Games (frappez-vous le contrat complet pour les détails, mais attention aux aspirines !). D’autres licences sont également disponibles pour de plus gros projets dont une option entièrement négociable : similaire dans l’esprit, oui, mais pas dans l’application pratique !

Tout cela n’est pas sans rappeler le vacarme créé par les amateurs de personnalisation de jeu vidéo devant l’apparition d’un mod payant apportant le DLSS à Starfield … À qui appartient le produit, lorsque les outils ayant permis leur création ne sont pas en votre possession, mais, dans le meilleur des cas, en location ? Question épineuse d’éthique sur laquelle il convient de le pas statuer trop rapidement ! Difficile de blâmer le développeur d’un moteur de jeu de vouloir valoriser son travail (bien que cela aille dans ce cas précis bien au-delà !). D’un autre côté, difficile également de croire qu’un changement aussi profond et rétroactif de la licence du moteur soit… légal ? Autant dire que les questions de propriété intellectuelle des outils de développements ne sont pas prêtes de s’arrêter ! (Source : Double GamingOnLinux, Game Developer)

Double Doc


  • Alors tout d'abord, merci pour l'article qui est d'une qualité très honnête quand on voit comment certains sites la relate (je ne cible personne ne particulier, mais la prise de recul n'est pas toujours au rendez-vous).

    Par contre, cette histoire me donne envie d'une question ouverte : qui est le plus impacté réellement par cette évolution et à quel point ? 

    Car en lisant ces changements (très mal amenés, ne le cachons pas), avec tous les calculs j'ai l'impression que l'impact sur un studio de jeux vidéo, même indépendant, reste assez léger vu la taxe mise en oeuvre, tout dépend du nombre d'installation bien entendu.

    Par contre, j'y vois à mon goût un tacle bien monstrueux envers l'industrie de la micro transaction, du fremium et autre season pass qui vous font passer une usine à pognon pour un jeu gratuit, qui du coup ne doit pas payer son du aux autres acteurs du secteur correctement. Bien entendu, cela reste à débat et cette annonce de chez Unity Technologies est un raté digne d'Orange dans les années 2000, toutefois si cela peut un peu forcer au retour de jeux au financement plus sain, avec moins "d'accès anticipés" qui durent 2 ans pour ne voir aucune mise à jour ensuite ou des optis sorties du fin fond d'une fosse à purin, pourquoi pas. 

    Et si jamais j'ai loupé un truc, n'hésitez pas à me le dire, possible qu'il me manque des infos 😋

    • C'est très intéressant car, à lire ce que dit Unity, plus de 90 % des projets ne seraient pas impactés... Reste à savoir comment ce compte est fait ; et ce n'est pas une très bonne pub que d'annoncer que 90 % de sa clientèle ne réalise pas 200k $ de CA et 200k téléchargement. Je pense que, dans la pratique, effectivement relativement peu de gens seraient touchées de manière significative, mais la chose fait du bruit essentiellement pour 3 raisons :
      - la rétroactivité sur les jeux déjà sous licence unity (alors qu'on aurait pu avoir un remplacement pur et simple de l'ancienne license pour les nouveaux projets seulement (ce qui aurait été cohérent avec les déclarations précédentes de la firme)
      - le montant fixe par installation (qui pourrait compter le piratage, s'adapte mal aux ristourner et semble en inadéquation avec le modèle économique des jeux mobiles / des plateformes de streaming de jeu)
      - l'estimation des installations effectuée en interne par Unity sans moyen de contrôle des clients.

      Évidement qu'un changement de tarif de ce style allait être mal reçu, de toute manière... Mais Unity semble bien s'être mis l'opinion public à dos en cherchant à ratisser au plus large, faisant fi de ses propres déclarations précédentes et de contraintes techniques.

      • Ah bah pour être une erreur de comm, ça en est une belle, on ne va pas se le cacher. La rétroactivité c'est une belle bourde on a du flou de partout et clairement ça n'arrangera pas tout le monde. 

        Cependant, je me pose la question sur si l'impact peut vraiment être aussi négatif quand on voit que beaucoup de gens actuellement râlent sur l'évolution des modèles économiques (micro transaction sur mobile/PC, les battle pass de partout qui coûtent plus chers que le jeu d'origine sur quelques mois, l'utilisation d'abonnement streaming ou faut toujours payer plus chaque année).

        Autre point, Unity indique que cela touche que 10 % des studios car les autres gagnent moins, mais 90 % sur combien ? Est-ce que chez Epic avec le Unreal Engine (qui utilise une monétisation similaire) a le même taux ou pas ? C'est le flou complet, mais dans tous les sens : à quel point au-delà des discours, cela est-il réellement impactant pour l'industrie du jeu vidéo ? Ce qui me dérange le plus dans ces histoires, c'est de voir le manque de transparence total dans ce domaine, si cette annonce peut faire un peu de lumière ça serait pas si mal en vrai.

        • C'est limite du troll ou alors tu es un commercial de chez Unity. Le coût est absolument énorme pour les studios petits et moyens (indés et mobiles), ils vont devoir arrêter leur jeu déjà développé sous Unity. Un développeur mobile a calculé qu’il devrait payer 105% de ses bénéfices. Quand à ceux qui réalisent un gros chiffre et peuvent éventuellement survivre ils vont devoir faire payer l'installation, je ne vois que ça. Et dis-toi que la grande majorité des studios vont basculer sur un autre moteur, c'est la mort annoncée de ce moteur. Le PDG est un ex de chez EA, est clairement un imbécile. Quant à Unreal Engine le coût est de 5% fixe du chiffre d'affaires, et je te laisse deviner lequel de ces deux moteurs est le plus performant.

          • Alors désolé pour toi, je ne suis ni un troll, ni un commercial / employé / actionnaire / fan de Unity, ça serait assez mal vu dans mon travail ce genre de prise de position, Nicolas pourrait en témoigner 🤣.

            Il semblerait que t'es mal compris - peut être que ce n'était pas assez clair - mais en aucun cas je ne défend l'entreprise derrière, j'en critique assez bien cette prise de décision qui est super mal amenée. Je me pose juste la question si c'est purement mercantile, ou est-ce qu'il existe des raisons autres qui ne sont pas visibles ? Le monde du jeu vidéo est loin d'être transparent, et donc il est quand même dur de juger l'impact réel dans toutes les données.

            Par ailleurs, quand pour une augmentation telle qu'annoncée, j'aimerai savoir comment les "105 % de son bénéfice" sont calculés. Comment ce jeu est financé, quel est le plan d'affaire, comment les frais du moteur ont été calculés, quel est le jeu/studio... Parce que là, à part y voir une attaque ad hominem, j'ai du mal à saisir comment tu peux m'éclairer sur la situation avec de tels propos 😅

        • Sur Unreal Engine, il n'y a par contre pas de coût d'abonnement pour utiliser l'outil (moteur comme éditeur), donc la donne est différente (particulièrement sur des projets universitaires par exemple, qui n'ont pas vocation à être comptés comme projets réels). Je n'ai aucune idée par contre de l'étendu du nombre de jeux impactés de manière absolue.

          Je pense que c'est plus une histoire de principe que d'argent. Avec la rétro-activité, rien ne dit que le modèle ne changera pas plus tard pour des tarifs bien plus salés... pas de quoi rassurer ; surtout quand on voit la compétition et la culture du crunch déjà bien implantée dans le milieu.

          Dans le principe, c'est vrai que lier le moteur aux ventes est dans l'air du temps (Software-as-a service !), surtout si le jeu se mets à jour en profitant des patchs du moteur. Tout comme les DLC et autres season pass... qui font tout autant grincer des dents. Mais s'il y a des clients, alors le produit se vendra et continuera !

  • Une info semble avoir été manquée dans l'article : le palier de $200k/$1M pour payer les nouvelles premières installations est calculé sur les 12 derniers mois.
    Du coup, les jeux qui ne génèrent pas assez de revenus ne payent pas ET les jeux qui ne génère plus assez de revenus ne payent pas.

    A côté, les abonnements n'ont pas augmenté, ils ont augmenté un peu ce que les différents abonnements incluaient (dont le gratuit) et surtout ils ont rendu le gratuit beaucoup plus accessible : avant, il fallait moins de $100k revenus liés à Unity dans les 12 derniers mois, maintenant il n'y a plus de condition.

    Avec l'abo gratuit, on reverse autant à Unity qu'on reverserait à Unreal si on vend le jeu $4 (5% de $4 = $0.20).
    Si le prix augmente, on reverse une part plus faible à Unity comme c'est un coût fixe ($0.20 = 2.5% de $8).

    Avec l'abo gratuit, on commence à reverser à Unity en même temps qu'on commencerait à reverser à Unreal si on vend le jeu $5 (200k ex fois $5 = $1M).
    Si le prix augmente, on commence à reverser plus tard à Unity comme c'est un nombre d'exemplaires fixe.
    Puis il y a un moment où on arrête de reverser à Unity alors que ce n'est pas le cas avec Unreal.

    Ceux qui sont les plus mal avec ces changements sont les sociétés qui proposent des jeux gratuits avec un cash shop suffisamment agressif pour générer durablement suffisamment de revenus pour rester au dessus des $200k/$1M sur les 12 derniers mois : ils ont plein d'installations pour peu qui restent et quelques uns parmi ces derniers qui assurent que le jeu reste à flot, aka baleines.

    J'arrive à comprendre qu'en cette période de coûts qui augmentent une société ait besoin de plus de revenus pour survivre et d'un point de vue purement économique ce qu'ils proposent ne me choque pas (d'autant plus qu'ils ont prévu un tarif réduit pour les jeux distribués dans les pays émergeants).
    Après, un soucis est la façon d'introduire un tel changement en l'imposant à des gens qui avaient fait le choix du moteur car les conditions n'étaient pas celle là, choix qu'ils ne peuvent plus trop changer (qui est probablement uniquement un problème moral car l'utilisation du moteur repose sur la souscription à l'abonnement mensuel - dont le gratuit - et il y a des chances que, légalement, les conditions sont valables uniquement jusqu'à la fin du mois et que chaque mois les développeurs doivent accepter les nouvelles conditions - généralement inchangées - ou arrêter l'abonnement et donc cesser l'utilisation du moteur - un peu à la manière de ce qu'on peut avoir, nous communs des mortels, avec les forfaits téléphoniques sans engagement).
    Et l'autre soucis est la gestion des installations car il y a pas mal de cas où le prélèvement d'une dîme n'est pas "équitable" et ils ont dit "dans ces cas, on prélèvera pas" mais comment être sûr qu'ils arriveront à identifier ces cas ?

    • Ah merci beaucoup, il y a quelques infos que je n'avais pas sur cette histoire d'abonnement. C'est un peu moins flou maintenant, néanmoins cela reste le même problème, le changement est toujours trop brutal et mal amené 😢.

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