Ci-dessus, votre épisode en version podcast
Dans l'épisode précédent, un étrange trafic entre Thibaut et Eric a donné lieu à une nuit tourmentée.
Il se tourne et se retourne sans cesse dans ses draps trempés de sueur tandis que les murs de sa chambre résonnent encore de ses cris d'effroi. "Nooooon ! Reviens ! Ne me laisse pas tout seul, ô mon Q6600 aux fréquences qui frétillent et à l'OC si preste !". Que de cauchemars, pour Eric, qui a fauté avec un GPU et ne parvient pas à s'en remettre. Lorsque la sonnerie de son réveil retentit - à l'air de "It's a small world", la chanson des poupées du parc d'attraction de la souris - ses mâchoires sont tellement serrées qu'il en souffre. Difficilement, au terme d'une lutte acharnée pour s'extraire des draps enroulés autour de son corps, il se lève et se fait couler un bain un café, en évitant sa salle de bains pour fuir les miroirs. Il se connaît et n'a pas, ce matin, les épaules pour assumer son corps chiffonné, dépourvu de la moindre morsure de CPU.
Tandis qu'il avale sa dose de caféine matinale, il jette un regard par la fenêtre pour découvrir le temps qu'il fait. Les rayons du soleil ne parviennent pas à percer un ciel noir, opaque et menaçant. C'est peut-être parce qu'il n'est que 5h du matin mais il n'est pas bien réveillé. "Quel temps de chien !" se dit-il en enfilant son bonnet, sa doudoune, ses moufles, son pantalon de neige et ses chaussures de montagne. Il remonte la carte graphique de la veille en essayant de la regarder le moins possible - ce qui n'est pas simple quand on porte des moufles - la remballe et sort de chez lui. Son domicile étant entièrement climatisé pour ne pas fausser les mesures de température et risquer le throttling, il ne pouvait pas s'en rendre compte mais la température extérieure est de 35° et notre collectionneur transpire tel un sauciflar oublié sur un tableau de bord. Il peste, mais il a la flemme de rentrer se changer et se fait une raison. "Tant pis, ça me donnera l'occasion d'expier mes péchés" se dit-il en renforçant sa prise sur le sac de marin contenant la carte honnie.
Comme d'habitude, il n'est pas le premier à arriver. Matt' est déjà là, en train de boire une boisson houblonnée et en criant "Rock & Stone!" dans son casque, tandis qu'il contrôle un nain qui tape sur des cailloux dans un jeu vidéo. Faisant le tour des bureaux, il pose sur celui de Titi le sac de marin, avise une carte bleue oubliée sur le bureau de Guillaume, et s'installe à son atelier, après avoir viré tous les dessins négligemment déposés par Kevin. "Allez hop ! À la poubelle ! Ça lui apprendra !". Il commence sa journée de travail par un tour du net, pour lire les dossiers écrits par ses concurrents et les décrier. Depuis quelques années, les reviews en streaming sont en plein essor et lui paraissent, pour la plupart, être sponsorisées ou bâclées devant leur manque de sérieux ou de protocole détaillé et reproductible. Contrairement à ses sous-vêtements, les temps changent et ça ne manque pas de le chagriner.
La première publication du jour, sur Hardware & Co, est un bon plan de David qui porte sur un Ryzen 5 3600 à vil prix. Eric, qui ne dispose que de la version X pour ses comparatifs hésite, le dépose dans son panier, et garde l'onglet ouvert. Il regarde sa checklist pour consulter les boucles de test qu'il a prévu de faire aujourd'hui, soupire devant la charge de travail immense qui lui incombe et se dit que, tout de même, ça lui ferait bien plaisir de se prendre un CPU de plus pour sa collection. Il retourne sur son panier et s'attarde sur une section intitulée "ceux qui ont acheté ce produit ont aussi regardé...", et il commence à vriller. Il repasse, dans sa tête, toutes les pièces qu'il lui manquent, et il clique. "Ajouter au panier, ajouter au panier, ajouter au panier, ajouter au panier...". Un à un, puis par dizaines, les processeurs s'empilent et l'addition augmente vers l'infini et au-delà.
Subrepticement, ou du moins de ce qu'il croit, il se déplace tel un ninja sous morphine. Il essaie de faire la roue mais se fracasse au sol et se rabat sur la reptation pour se mouvoir entre les bureaux. Sa doudoune couine à chaque mouvement mais il n'en a cure. Matt', toujours sur son jeu où il est désormais en train de tuer des insectes au lance-flammes ne se rend compte de rien et n'en a absolument rien à faire. Cependant, comme il ne veut prendre aucun risque, Eric se saisit d'un minitel qui traîne dans le coin et assomme son collègue, puis il regarde, en souriant, son nain se faire dévorer par des aliens. Enfin tranquille, il passe dans le bureau du rédac' chef, récupère la carte-bleue de l'entreprise et passe commande avec livraison express. Peu lui importe d'être découvert plus tard. Plus rien n'a d'importance que ses puces, ses précieuses puces, ses si belles puces qui vont arriver avant que quiconque ne se rende compte de rien.
La matinée avance et l'équipe finit par arriver. Ils jettent un regard à Matthieu, affalé sur son clavier, sa chopine à la main, et chacun vaque à ses occupations. Quand ce dernier se réveille, il lève un œil vers son écran, verse une larme pour son nain décédé, puis il palpe son crâne douloureux et se dit que la bière du jour est sacrément corsée. Dans le doute, il s'en ressert une autre pour en avoir le cœur net. Eric, de son côté, travaille consciencieusement, discret et silencieux. Il remplit ses tableurs au fur et à mesure de la journée sans un bruit, sans un mot, malgré l'hologramme de Nico qui continue à répéter "Control F5, Control F5, Control F5" en boucle pendant des heures. À 17h, un SMS indiquant "votre livraison est en route" arrive sur son téléphone et Eric part en courant, comme un dératé. "Ma mère se marie !" crie-t-il en s'en allant, oublieux qu'il a déjà invoqué cette excuse à 112 reprises ces dernières années.
Quand il arrive chez lui, un transpalettes chargé l'attend déjà. Le livreur lui demande où il doit déposer la marchandise et Eric lui indique la piscine, vide en raison des restrictions d'eau. Il signe le bon de livraison et commence à déballer ses précieux processeurs. Rien d'autre au monde n'existe plus pour lui. Les yeux ruisselant de larmes et de sueur, il empile les puces en poussant de petits cris qui rappellent des suricates et regarde le tas qui s'amoncèle autour de lui. L'excitation le fait vibrer et ses mains tremblent dans ses moufles. Il en a l'intime conviction, il pourrait mourir en paix car il lui semble avoir accompli l’œuvre de sa vie. "Mon précieux, mon précieux, mon précieux..." dit-il avec la voix étranglée. Finalement, Eric prendra bien un bain aujourd'hui. C'est dans un océan de CPU qu'il se met à nager, avant de s'endormir le corps comblé et l'esprit léger.
Les aventures du collectionneur de CPU sont terminées mais la saga de l'été continue au mois d'août avec un nouvel épisode tous les dimanches !
Excellent ! 🤩
"Comme d'habitude, il n'est pas le premier à arriver. Matt' est déjà là, en train de boire une boisson houblonnée et en criant "Rock & Stone!"
🤣En plus, il joue Foreur!
@Éric: Je vais t'envoyer des cpu's c'pas possible, t'es trop dopé xD "Ajouter au panier, ajouter au panier, ajouter au panier"
Je l'ai lu en même temps que la vidéo EXCELLENT (entre la lecture et l'épisode, çà change tout en l'écoutant 🤩)
Merci, j'ai bien rigolé 😇