Cette proposition de loi de lutte contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, la centième de la nouvelle législature, a été adoptée en première lecture, jeudi 30 mars, à l'unanimité des 49 votants, comprenant des députés des deux bords et du centre.
Elle traite de différents sujets, et en particulier :
- De la définition de l'activité d'influenceur et d'agent d'influenceur ;
- De la protection des moins de 16 ans, à la fois en tant qu'acteurs et que public de l'influence commerciale ;
- De l'interdiction et de l'encadrement de la promotion de certains produits ou services ;
- Du cadre juridique régissant les liens entre les influenceurs et leurs agents ;
- De la responsabilité des plateformes hébergeant le contenu produit.
Cette proposition transpartisane à l'initiative d'un député PS/NUPES et d'un député apparenté Renaissance fut examinée en séance publique alors que les débats relatifs au projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) repoussant l'âge de départ à la retraite avaient semé une certaine zizanie au sein de l'hémicycle (oui, à H&Co, nous sommes réputés pour notre sens de la mesure, de la pondération, voire de l'euphémisme). Il apparaît surprenant et rassurant de voir que les députés sont parvenus à tomber d'accord sur une loi, quelle qu'elle soit et quel que soit le banc sur lequel ils siègent, tandis qu'ils continuent à s'opposer frontalement sur d'autres sujets.
De nouvelles définitions juridiques
La loi entend donner une définition au métier d'influenceur qui n'est désormais plus assimilé à l'activité de créateur de contenu. Ainsi, son article premier les désigne comme :
Les personnes physiques ou morales qui mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique.
Ne sont donc concernés que les créateurs de contenu faisant la promotion de biens ou services en échange d'une rémunération.
L'article 2, en ce qui le concerne, va s'intéresser au métier d'agent d'influenceur :
L’activité d’agent d’influenceur consiste à représenter ou à mettre en relation, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité définie à l’article 1er avec des personnes physiques ou morales sollicitant leur service, dans le but de promouvoir des biens, des services, des pratiques ou une cause quelconque.
Même chose ici : pour être reconnu comme un agent, il faut impérativement que la personne soit payée et sollicitée par les influenceurs. La loi va s'attacher à réglementer les rapports entre les influenceurs et leurs agents, afin d'éviter tout flou juridique qui pourrait résulter de cette activité.
Quelques rappels préliminaires
En ce qui concerne les craintes relatives à l'inflation législative, et celles de Claude en particulier - à moins que ce soit en réponse aux députés qui demandaient l'inscription formelle de l'interdiction de la promotion de faux médicaments - l'article 2 A indique, pour rappel, que les règles générales relatives à la publicité s'appliquent évidemment aux influenceurs :
Les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’encadrement de la promotion des biens et des services ainsi que celles en matière de publicité sont applicables à l’activité d’influence commerciale par voie électronique définie à l’article 1er. Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
L'article poursuit en rappelant les dispositions du Code de la santé publique et les dispositions européennes qui concernent les allégations nutritionnelles et de santé sur les denrées alimentaires qui vont s'appliquer à la promotion de ces produits puis, dans son dernier alinéa, en précisant bien que l'exploitation de l'image des moins de 16 ans sur les plateformes est strictement encadrée.
Il est donc ici question de purger les vides juridiques qui subsistaient malgré les normes sur les publicités car certains usages sont nouveaux et car "Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas" comme l'indique l'article 5 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789, qui a, en France, valeur constitutionnelle. Si l'on désire que des pratiques soient interdites, il est nécessaire de légiférer sur le sujet.
Certaines interdictions strictes...
En premier lieu, l'article 2 B se montre particulièrement clair quant à l'interdiction de la promotion des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique portant atteinte à la protection de la santé publique. L'objet de cette proposition de loi est de mettre fin aux arnaques et aux dérives des influenceurs et celles-ci ont particulièrement fait scandale.
Est interdite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, portant atteinte à la protection de la santé publique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique mentionnés à l’article L. 1151‑2 du code de la santé publique, y compris ceux relevant de l’article L. 6322‑1 du même code.
Il poursuit en listant un certain nombre de produits ou services financiers dont la promotion est également interdite, sauf dérogations expresses. L'incitation à faire des placements hasardeux, les tokens et les cryptomonnaies en particulier sont ici visés.
Enfin cet article 2 B s'attaque aux contrefaçons, parce que la France ne plaisante pas du tout avec la propriété intellectuelle et toute loi sur le numérique ne manque jamais de le rappeler.
...mais surtout des restrictions
En ce qui concerne les jeux d'argent et de hasard, en faire la promotion n'est plus désormais possible que sur les plateformes offrant la possibilité technique d'exclure les mineurs de l'audience, à condition que cette restriction d'accès soit active.
Sur les produits alimentaires et boissons, trois restrictions s'appliquent. D'abord pour les moins de 16 ans acteurs de l'influence commerciale, faire la promotion de produits trop gras, trop salés, trop sucrés ou comportant trop d'édulcorants de synthèse est rigoureusement interdite. Cette promotion est également interdite lorsque le public cible d'un contenu est principalement composé d'enfants de moins de 16 ans. Enfin, pour les plus de 16 ans, elle est autorisée à condition qu'elle soit accompagnée de déclaration nutritionnelle et/ou d'informations à caractère sanitaire.
Une des autres raisons ayant précipité cette proposition de loi concerne les fraudes au CPF. Ainsi l'article 2 C, dans son II, indique :
Lorsque la promotion [...] porte sur l’inscription à une action de formation professionnelle [...] [une mention] indique la nature du financement de cette formation ainsi que des engagements et règles d’éligibilité associés. Elle comporte également la dénomination sociale et le numéro du système d’identification du répertoire des entreprises et de leurs établissements des prestataires responsables de cette action de formation ainsi que du prestataire référencé sur le service dématérialisé.
Si ce nouveau cadre législatif apparaît souhaitable et nécessaire puisqu'il permet de lutter contre certaines formes de dérives les plus répréhensibles, il convient de souligner que différents députés de groupes d'opposition ont souhaité aller plus loin en interdisant totalement la promotion de jeux d'argent et de hasard, de produits alimentaires trop gras, trop sucrés ou trop salés, ou encore de produits alcoolisés, mais ils ne sont pas parvenus à obtenir gain de cause. Ces différents produits et services, quoique dangereux et comportant des riques, représentent l'essentiel des revenus de l'industrie de l'influence et l'on peut imaginer que le législateur n'aura pas jugé possible, proportionné ou souhaitable de les prohiber complètement.
Et un cadre général
Pour permettre l'information du consommateur (puisque, à partir du moment où l'influence est définie comme commerciale, son audience se transforme automatiquement en consommateurs), un certain nombre de règles viennent désormais s'appliquer. La DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) est très claire quant au fait que les consommateurs doivent être informés de façon loyale et complète sur les produits qu'ils consomment. Cette loi sur l'influence vise aussi à permettre cette information et différentes mesures vont en ce sens.
L'article 2 C commence comme suit :
La promotion de biens, de services ou d’une cause quelconque réalisée par les personnes mentionnées à l’article 1er [les influenceurs, ndlr] doit être explicitement indiquée par une mention claire, lisible et identifiable sur l’image ou la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion.
Les communications commerciales doivent être désormais clairement identifiées comme telles, pendant toute la durée de la promotion, et sur tous les supports.
Il en va de même lorsqu'un traitement sur une photo permet de déformer la réalité, en particulier sur les sempiternelles photos "Avant/Après" qui accompagnent systématiquement les promotions de traitements, produits ou actes pour faire maigrir. Dans son IV, cet article 2C indique :
Les contenus [...] comprenant des images ayant fait l’objet d’une modification par tous procédés de traitement d’image visant à affiner ou à épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage doivent être accompagnés de la mention : « Images retouchées ». Cette mention doit être claire, lisible et identifiable sous tous les formats sur le contenu modifié, photo ou vidéo, durant l’intégralité du visionnage.
Ensuite, pour lutter contre le dropshipping abusif, ainsi que les arnaques que pratiquaient plusieurs influenceurs en se lavant les mains de tout SAV sur un produit, l'article 2 E vient les encadrer de façon stricte :
Lorsque la promotion est réalisée par des personnes dont l’activité est limitée à la seule commercialisation de produits et qui ne prennent pas en charge la livraison de ces produits, celle-ci étant réalisée par le fournisseur, ces personnes informent le consommateur de l’identité de ce fournisseur.
Elles s’assurent de la disponibilité des produits et de leur licéité, notamment du fait qu’il ne s’agit pas de produits contrefaisants.
Les autres dispositions de cette loi concernent les relations entre agents et influenceurs (par exemple le fait que les contrats doivent être écrits, qu'ils doivent préciser la nature des missions, les modalités de rémunération, les droits, obligations et responsabilités de chacun, etc.), les sanctions qu'encourt tout contrevenant à la loi, ainsi que la responsabilité qui pèse sur les plateformes hébergeant du contenu relative à leurs vecteurs de signalement des fraudes et leur traitement de ces signalements.
Vous pouvez retrouver ici le texte intégral adopté par l'Assemblée, ou encore ici l'analyse du scrutin de son adoption.
Ça va faire peur à TIKTOK cette loi..........MDR
Ah ben finalement c'est du tout bon!!
Il va y avoir du boulot pour d'un coté mettre en place tout ca chez les influenceurs, et de l'autre pour le contrôle.
Me tarde de voir le nutriscore :D Si ca pouvait inciter le public de ce genre de videos a retourner la boite et lire les petites lignes... ce serait énorme!!!
ps: Mes inquiétudes d'inflation législatives sont dissipées :D
Ils ont vraiment pensé à toi ! ;)
Bonne décision
Sinon, je ne sais pas si c'est possible, mais faudrait peut-être aussi interdire les filtres qui "améliorent" le visage sur les réseaux sociaux
Quand je pense à toutes les pauvres filles qui se massacrent le visage pour ressembler à un filtre Snapchat, ça fait vraiment pitié
https://www.allodocteurs.fr/le-snapchat-syndrome-cette-tendance-qui-influence-la-medecine-esthetique-32053.html