Lettres Plastiques Formant Le Mot Influencer

La loi cherche à encadrer les pratiques des influenceurs et une étrange opération de lobbying du secteur semble pétrie de maladresse.

Marketing d’influence : 60% des influenceurs ciblés par la DGCCRF en anomalie

Voici le titre d'un communiqué de presse du ministère de l'Économie paru fin janvier, à l'origine d'une proposition de loi de lutte contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Cette proposition est initiée par des députés Renaissance et Parti socialiste/NUPES et se veut transpartisane. Elle sera examinée à l'Assemblée nationale en séance publique à partir du mardi 28 mars à 15h, dans le cadre de la niche parlementaire du Parti socialiste.

Le ministre de l'Économie fait état de nombreuses concertations avec les vidéastes et acteurs du secteur, ainsi qu'une concertation publique ayant collecté plus de 4.500 participations, pour établir des mesures, reprises en majorité dans la proposition de loi précitée.

Il s'agit, dans ce business en plein essor et représentant un marché mondial estimé à 12 milliards d'euros en 2021, de lutter contre les nombreux abus commis par des influenceurs qui ne s'estiment manifestement pas soumis aux mêmes règles que n'importe quelle régie publicitaire.

Au premier rang de ces abus, l'absence de transparence sur le caractère commercial de leurs communications constitue l'anomalie la plus fréquente, mais cela peut aller beaucoup plus loin. En premier lieu, certains ont menti sur les origines ou les propriétés de produits dont ils assuraient la promotion, en les annonçant par exemple comme bios ou naturels lorsque ce n'était pas le cas. Plus grave, il leur est arrivé de faire la promotion de produits risqués dont la publicité est interdite ou très réglementée, comme par exemple le tabac, les paris sportifs, les jeux d'argent de manière générale, ou l'utilisation frauduleuse du CPF. Enfin, et c'est là que l'urgence est extrême, certains ont directement mis en danger la santé des consommateurs, en leur faisant l'éloge de faux médicaments anti-covid ou d'opérations de chirurgie esthétique pratiquées par des gens qui ne sont pas des professionnels de santé.

Il convient donc d'encadrer la profession, de légiférer en urgence sur ces pratiques et de sanctionner les contrevenants. C'est là l'objet de cette proposition de loi transpartisane qui devrait être largement approuvée.

Cependant, ce dimanche 26 mars, dans une tribune publiée dans Le JDD deux jours avant l'examen du texte, 150 influenceurs parmi lesquels des personnalités comme Squeezie, Cyprien, Enjoy Phoenix, Amixem et bien d'autres cosignataires s'adressent aux députés pour les mettre en garde contre une stigmatisation de leur secteur d'activité. La tribune comprend notamment des passages tel :

Nous entendons parler des « influvoleurs », « du combat à mener » contre nous. Nous pensons que c'est une erreur. Qu'une minorité est devenue une généralité.

Nous considérer comme une menace, c'est déconsidérer et mépriser une partie de la jeunesse française.

Nous considérer comme un objet de combat, c'est mettre à mal une économie florissante constituée de passionnés.

Elle insiste sur le fait qu'ils ne sont pas opposés à une régulation du secteur mais qu'il est important de considérer leur industrie comme "une chance pour la France".

Là où le sujet devient cocasse, c'est qu'ils sont, depuis, nombreux à dénoncer leur signature de cette tribune. D'aucuns regrettent d'avoir accepté de signer sans avoir pris le temps de lire la tribune, tandis que d'autres réfutent carrément l'avoir jamais signée. En cause dans cette histoire, le fait que certains des signataires de cette tribune appelant à ne pas stigmatiser le secteur seraient de ceux qui, justement, sont pointés du doigt pour avoir eu des pratiques commerciales trompeuses, illégales ou dangereuses.

Le Monde relate dans un article ce qui ressemble à une grosse bourde des agences d'influence dans une étrange entreprise de lobbying parlementaire.

Vaark


  • Enfin un peu de ménage dans le panier de crabes, pourquoi pas 😀

    Moi ce qui me hérisse le plus c'est les publicités à l'infini et les influenceurs qui vont avec sur les jeux d'argent en ligne (et une bonne partie des jeux mobiles qui sont des façades pour la même activité). 

  • Wow, ca a l'air d'être un sacré sac de nœuds cette histoire ! Je ne suis pas contre une réglementation bien au contraire, mais il faut effectivement que cela soit fait en connaissance de cause (i.e. dans le respect de ce qui fait l'essence du média). Si certains profitent, c'est clair, ce n'est pas le cas de tous et ce serai dommage de pénaliser certains vidéastes faisant du contenu de qualités parce que certains ont abusés...

  • Eh ben, ça en dit long sur la déontologie de nos influenceurs...Qui pour la plupart ont signé une déclaration sans l'avoir lue avant de rétropédaler! Si les engagements qui les lient à leurs annonceurs sont traités de la même manière, ça expliquerait bien des choses quand à l'incurie associé au milieu...

    • Pour être (de loin, certes) dans le milieu de la presse, c'est encore pire : il n'y a souvent pas d'engagement du tout... mais en cas de souci, tu peux être sûr que le renouvellement de contrat ne se fera pas !

    • Au moins, certains ont rétropédalé ! 😆

      Si ça peut aider le public de ces influenceurs a comprendre qu'il ne faut jamais signer quoi que ce soit sans l'avoir lu au préalable, c'est un mal pour un bien. Par contre, s'il y a effectivement des signataires qui n'ont jamais donné leur accord, ça jette un très sérieux discrédit quant aux agences de ces créateurs de contenu et justifie d'autant plus un encadrement législatif des pratiques en vigueur.

  • Ce qui me dérange le plus la dedans c'est qu'il faut encore légiférer, et allé op une fois de plus... Alors que tout existe déjà dans les pavés de loi française. Tout existe déjà en ce qui concerne la pub, l'encadrement de celle la, et les autorisation. C'est un media Audio-Visuel. C'est déjà bien encadré, alors pourquoi en rajouter une couche, ou alors le traiter différemment?

    • Il y a un vrai problème d'inflation législative (et normative de manière générale) en France et cela crée des effets pervers comme une forme d'insécurité juridique condamnée par à peu près chaque Gouvernement qui, pourtant, en est à l'origine. Le Conseil d'Etat, dès 1991 avait une formule assez claire à ce propos : "Quand la loi bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite".

      Il conviendrait donc d'appliquer les lois existantes et d'en simplifier le corpus plutôt que d'en créer sans cesse de nouvelles. Tout le monde semble d'accord avec cette théorie et, pour autant, à peu près chaque législateur et chaque ministre essaie d'imprimer sa marque dans l'histoire.

      Cette prolifération des lois permet aussi de limiter le pouvoir d'interprétation des juges, ce qui peut être une bonne ou une mauvaise chose, selon comment on interprète l'état de l'équilibre des pouvoirs, et peut parfois s'avérer nécessaire pour encadrer de nouveaux usages. Ainsi l'article premier de cette loi sur l'influence donne une définition de la pratique qui peut se révéler nécessaire :

      Les personnes physiques ou morales qui mobilisent leur notoriété pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature dont la valeur est supérieure aux seuils fixés par décret exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique.  

      Au reste, il y a bien consensus sur le fait que la France produise trop de normes, mais à moins de prendre des normes supplémentaires pour les limiter... les juristes ne risquent pas de manquer de boulot dans les années à venir (jusqu'à ce qu'ils soient remplacés par des IA).

      • Je ne trouve pas ca nécessaire de coller un définition juridique pour "influenceur" alors que ce n'est ni plus ni moins que de la pub ou promo. Il y a déjà tout un arsenal juridique encadrant ce genre de pratique (plus ou moins bien je ne sais pas) assortis de sanctions pour les contrevenants.

        Les ministres vont y coller leurs nez et rajouter leur touches inutilement. Au risque de pénaliser les créateurs de contenus qualitatifs et créatifs.

        Pour preuve, la condamnation récente a de la prison ferme pour deux célèbres influvoleurs... Ils sont encore trop peut nombreux a se faire pincer malheureusement.

        Par contre ils pourraient mettre en place des procédures accélérés pour ceux qui se laissent allé a différentes arnaques puisque les preuves sont immédiatement disponible en ligne. 

        Le Duc leur serait reconnaissant :D

         

      • Avec ton lien, c'est toi qui a fait ma journée sur ce coup-là 😄

      • Il y a déjà tout un arsenal juridique encadrant ce genre de pratique (plus ou moins bien je ne sais pas) assortis de sanctions pour les contrevenants.

        Certes, mais a-t-on une loi "bulletproof" encadrant tout moyen de diffusion ? La réglementation doit, à mon avis, être adaptée à chaque moyen. Quelques exemples... À la télévision, il y a l'obligation d'avoir un écran "Pub" avant et après une page de pub; le placement de produit est indiqué par un "P" visible à l'écran; dans la presse écrite, les "publi-communiqués" sont marqués comme tels (j'ignore si c'est une obligation, mais quelque chose me dit que ça l'est).

        Je pense qu'il n'est pas malvenu que la partie publicitaire d'un contenu doive explicitement être marquée comme telle dans des vidéos sur Internet... et que les sanctions existantes pour les manquements aux obligations similaires en presse écrite ou à la télévision s'appliquent ensuite.

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