Décidément, il y a des paiements de lobbying qui se perdent ! L'offensive européenne contre Google se poursuit de plus belle et l'historique des actions contre le géant américain est donc bien parti pour s'allonger. Cela fait de longues années que Google se fait accuser d'abus de position dominante sur ses marchés. Par exemple, en 2017, la Commission européenne avait infligé une amende de 2,42 milliards d'euros pour violation des règles d'antitrust en ayant favorisé ses propres produits via Google Shopping. En 2018, rebelote, cette fois-ci avec une prune de 4,34 milliards d'euros (vive l'inflation) pour punir Google de ses abus avec Android. Et ce ne sont là que quelques exemples européens, mais Google s'est aussi déjà fait poursuivre aux USA, notamment par le département de la justice américaine et plusieurs états à cause de ses pratiques avec la publicité.
C'est justement la gestion de la publicité par Google (la plus grande source de revenus de l'Américain, avec 224,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires l'année dernière, soit environ 28 % des revenus publicitaires mondiaux sur Internet) qui est au cœur d'une nouvelle enquête de la Commission européenne. Comme d'habitude, Google est accusé d'exploiter sans scrupules sa position (dominante) sur le marché pour entraver la concurrence, voire la tuer dans l'œuf et ainsi renforcer sa propre position. Il faut savoir que Google propose des outils d'achat de publicités (Google Ads et DV 360), des outils de ventes de publicités (DoubleClick et DFP) et un site de change (AdX) pour la vente et l'achat de publicité. En plus de vendre des espaces publicitaires, il ne faut pas non plus oublier que Google collecte massivement les données d'utilisateurs, que ce soit via Chrome (toujours le navigateur le plus utilisé au monde) ou via son moteur de recherche (idem). Présent tout au long de la chaine, Google est suspecté de favoriser ses affaires et en particulier AdX aux dépens des sites d'échanges publicitaires concurrents. La Commission européenne s'inquiète ainsi du fait que DFP informerait AdX des offres d'achat, afin qu'AdX puisse fixer le bon prix pour remporter l'enchère. En parallèle, Google Ads ne placerait principalement que des offres sur AdX, ce qui aurait pour conséquence de booster son activité et de rendre AdX plus attractif par rapport aux sites d'échanges moins animés.
.@Google controls both sides of the #adtech market: sell & buy. We are concerned that it may have abused its dominance to favour its own #AdX platform. If confirmed, this is illegal. @EU_Commission might require Google to divest part of its services.https://t.co/6SwdoLlN8a pic.twitter.com/2rZok2BWYs
— Margrethe Vestager (@vestager) June 14, 2023
Attention, il ne s'agit ici que du partage des derniers griefs de la Commission européenne vis-à-vis de Google et ceux-ci ne préjugent en aucun cas déjà du résultat d'une enquête. Il reste donc du travail à faire. Le point très intéressant ici, c'est que pour une fois, ce n'est pas la menace d'une énième amende (ridicule) qui est agitée. En effet, dans son rapport préliminaire, la Commission estime que seule "la cession obligatoire par Google d'une partie de ses services permettrait de répondre à ses préoccupations en matière de concurrence". Autrement dit, Google pourrait finir par être obligé de se séparer d'AdX et peut-être d'autres de ses services publicitaires !
Mais serait-ce vraiment LA solution ? Tout le monde n'est pas convaincu. Par exemple, Dr. Lukasz Olejnik (un chercheur indépendant dans le domaine de la vie privée) pense que la technologie "Privacy Sandbox" en cours de développement chez Google pourrait potentiellement rendre inutile de passer par un système tel qu'AdX et donc déplacer totalement le problème soulevé par la CE.
Important caveat. Upcoming technology changes will CHANGE this picture. The problem will solve itself automatically. Sorry, European Union @EU_Commission — you could track the changes, did you choose to omit those? Not good. https://t.co/Zq8KD83r1A
— Lukasz Olejnik (@Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ) (@lukOlejnik) June 14, 2023
D'un autre côté, le regroupement d'entreprises publicitaires "Movement for an Open Web" pense qu'amputer Google serait insuffisant et ne résoudrait que la moitié du problème de conflits d'intérêts dont souffre Google, l'autre gros point noir étant la domination du navigateur Chrome. Actuellement, ce dernier assurerait à Google le contrôle de plus de 60 % du flux de données publicitaires sur le web et c'est donc par cet intermédiaire que l'américain conserverait sans problème le monopole du marché de la publicité numérique.
Bien évidemment, Google n'est absolument pas d'accord avec toutes ces affirmations et la façon dont la Commission européenne a décrit son business publicitaire, vous pensez bien. L'entreprise va désormais pouvoir présenter tous les arguments en sa faveur avant que la CE ne prenne une décision définitive. Affaire à suivre ! (Source : The Register, Hardwareluxx, Commission européenne)