Intel, c’est une boite gigantesque : pas moins de 124 800 employés selon Wikipédia. En dépit des moult activités de la firme dans le hardware, une bonne partie de cette masse de travailleurs effectue un travail dans le logiciel, qu’il s’agisse de bibliothèques hautes performances, de microcode CPU ou encore de compilateurs. Ou, parfois, d’utilitaires plus ou moins liés aux activités de la firme, par exemple avec l’application Unison permettant de lier son téléphone à son ordinateur, ou encore la possibilité de réveiller sa machine en détectant la présence d’un individu via les perturbations qu’il engendre sur les ondes WiFi. Bref, vous l’aurez compris, quand il y a de la main-d’œuvre disponible, Intel la place parfois sur des projets annexes permettant d’étendre sa présence auprès des consommateurs, et c’est dans cette veine-là que se place la technologie du jour : l’Intel Thunderbolt Share.
Justifiée par la présence d’Intel au sein des co-développeurs de Thunderbolt (avec Apple) — si vous avez vu des appareils compatibles Thunderbolt chez AMD, c’est parce que la firme a désigné du matériel compatible avec cette interface, puis certifié la chose auprès d’Intel, mais elle n’en est pas à l’origine —, la fonctionnalité ne semble au premier abord pas si révolutionnaire. Connecter deux ordinateurs ensemble, c’est légèrement le principe d’internet : pourquoi le Thunderbolt y changerait-il quoi que ce soit ?
Intel a fait son enquête : la plupart des clients cibles ont plusieurs PC !
Deux principales raisons techniques viennent répondre à cette interrogation. D’une part, avec ses 40 Gbit/seconde de débit en version 4, l’interface est bien plus rapide que le RJ45 cuivré habituellement présent chez les particuliers, donc la norme 10 G peine encore à se démocratiser. Notez cependant qu’avec une telle bande passante, mieux vaut avoir un disque qui envoie du pâté pour encaisser tous ces bits ! De plus, le Thunderbolt est branché directement sur le bus PCIe du système hôte : il est donc théoriquement possible de l’utiliser pour transmettre des informations directement au processeur, sans passer par un encodage farfelu au-dessus de la couche Ethernet. Par exemple, pourquoi ne pas partager un clavier d’un PC à un autre, en faisant transiter ses informations via ce sacro-saint Tonton Thunder, évitant au passage les quelques ms de latence de la pile réseau ?
L'avantage du Thunderbolt, c'est qu'il peut se propager aussi bien en liaison directe que via un dock, que ce dernier soit dédié ou intégré à un écran !
Vous voyez venir Intel à grands pas : c’est exactement ce que le Thunderbolt Share propose : un moyen de relier deux ordinateurs pour partager des fichiers ou synchroniser des dossiers, ou tout bonnement prendre le contrôle de l’ordinateur distant en partageant le bureau, le clavier et la souris. Grâce à l’utilisation des extensions de virtualisation VT-d, Intel assure que l’intégrité de votre machine sera respectée, même en cas de branchement avec un pair infecté : un point d’importance pour la sphère professionnelle. De plus, en autorisant ce type de transfert décentralisé, les documents ainsi transmis sont moins traçables pour des attaquants externes… mais aussi pour des utilisateurs en interne !
Une fenêtre de sélection de l'opération et toc, vous voilà partis : mieux que TeamViewer !
Évidemment, la chose n’est pas sans restriction. Pour commence, il faut (évidemment) deux PC équipés de ports Thunderbolt, et en version 4 ou 5 : avec la bazar des normes utilisant le connecteur USB Type-C (USB 3 et 4, Thunderbolt 3/4/5, DP-alt mode et consort), pas forcément facile de s’en assurer, bien que le logo en éclair soit un indicateur quasi infaillible. De plus, au moins d’un des PC doit être licencié « Thunderbolt Share » par l’OEM, une zone d’ombre qui a de quoi effrayer quant à la compatibilité. Pour le moment, MSI, Lenovo, Acer, Kensigton, Belkin, Razer, Promise Technology et Plugable font partie de ces fournisseurs, Intel annonçant cependant que cette liste sera amenée à évoluer. Il faut aussi que le logiciel contrôlant tout cela soit installé sur les deux machines, ce qui signifie que Linux sera, une fois encore, sur le banc de touche, ton comme Mac OS ! Enfin, le partage est pour le moment limité à l’écran, au clavier et à la souris : si vous souhaitiez utiliser une manette branchée à votre laptop pour contrôler votre PC, cela ne sera pas possible. Vu la longueur moyenne, de l’ordre de mètre, des câbles Thunderbolt, cela ne devrait pas poser problème ; autant débrancher ladite manette pour la connecter sur le bon PC… mais la prouesse technique aurait été appréciable.
Notez l’icône Thunderbolt blanche sur fond bleu : c'est elle qui indiquera la compatibilité du matériel avec Thunderbolt Share.
Bien qu’intéressante, la fonctionnalité semble davantage s’adresser au monde de l’entreprise dans lequel l’hybride laptop/desktop est courant, et où le partage de fichier entre collègues sans passer par un cloud tiers peut prendre toute son importance — particulièrement au niveau de la sécurité. Pour le quidam moyen, la fonctionnalité tiendra plus de l’utilisation occasionnelle que de la révolution en l’état… à voir si la solution évolue !
Je me dis que ça peut être intéressant pour une utilisation "hybride" où on viendrait juste brancher son PC pro sur son PC perso afin de pouvoir faire du télétravail sur sa machine perso (un peu façon connexion à distance, qui n'est pas toujours possible avec les protections qu'il peut y avoir) plutôt que d'avoir à faire toute une installation plus ou moins complexe à chaque fois.
Après, je dis ça simplement en me basant sur l'image au milieu de l'article. Faudrait voir dans la pratique ce qui est possible ou non (et les risques qu'il y a d'une telle configuration).
C'est également mon impression : vouloir pouvoir transformer une machine fixe en un genre de gros dock avec stockage. Mais il faut avoir un intérêt à avoir une machine fixe dans un premier temps, ce qui n'est pas le cas d'usage de tous !