Il n’y a pas si longtemps, le gouvernement taiwanais rappelait encore l’existence de lois empêchant TSMC de fabriquer des puces de pointes en dehors de Taïwan et exigeant un retard d’au moins deux générations par rapport aux technologies utilisées pour la production nationale. L’objectif derrière ce règlement de longue date est de garantir le fameux "Silicon Shield" de Taïwan, c’est-à-dire de s’assurer que les alliés soient suffisamment motivés à défendre l’ile et son industrie du semiconducteur de pointe en cas d’attaque chinoise. Mais voilà que la donne vient tout à coup de changer ! Le même ministre des Affaires économiques de Taïwan, J.W Kuo. qui avait rappelé au monde la loi taïwanaise ci-dessus en novembre dernier, vient d’annoncer que TSMC est désormais légalement autorisé à produire du 2 nm en territoire étranger ! Autrement dit, entre novembre et janvier, "les temps ont changé" et les règles précédentes sont soudainement devenues des "règles de l’ancien temps"... Voici un extrait du raisonnement du ministre taïwanais :
Les entreprises privées devraient prendre leurs propres décisions commerciales sur la base de leurs propres progrès technologiques... Le principe de base est que les entreprises peuvent tirer des bénéfices de leurs investissements à l’étranger. TSMC construit des usines aux États-Unis dans le but de servir ses clients américains, car 60 % des entreprises de conception de puces dans le monde sont basées aux États-Unis.
Au passage, il a également cherché à minimiser les inquiétudes quant aux éventuels chamboulements de la politique commerciale américaine, surtout avec le retour au pouvoir de Donald Trump. Selon lui, Taïwan a de nombreux atouts et des capacités technologiques fortes qui permettront d’affronter les éventuels remous causés par un président, qui ne sera de toute façon en place que pour une durée trop limitée pour véritablement transformer le commerce mondial. Il estime ainsi que l’impact des nouveaux tarifs douaniers américains aura un impact mineur sur le commerce taïwanais. De plus, les entreprises taïwanaises ont jusqu’à présent plutôt pas mal bénéficié de la guerre commerciale entre la Chine et les USA, en remplaçant par exemple les fournisseurs chinois des entreprises américaines.
Ce revirement n’en reste pas moins soudain et plutôt intéressant. Le ministre le présente comme pouvant être favorable aux affaires de TSMC, ce qui n’est faux, certes. Néanmoins, il y a certainement eu d’autres facteurs ayant motivé cette bénédiction pour une potentielle décentralisation de la production de semiconducteurs avancés. Les tensions géopolitiques croissantes ? L’arrivée du nouveau président américain ? Davantage de pression américaine, notamment en jouant la carte de la défense militaire ? Pression d’une clientèle américaine cherchant à s’adapter aux futurs tarifs douaniers introduisant une surtaxe comprise entre 20 et 60 % sur les produits importés ? Il n’est pas à écarter qu’il y a un peu de tout ça qui a dû peser dans la balance. Mais alors, quid de l’avenir du "Silicon Shield" ?
Pour l’instant, TSMC ne prévoit pas de se précipiter avec la production du 2 nm aux USA. Fab 21 "phase 1" est actuellement équipé pour le 4 nm et la "phase 2" introduira le 3 nm d’ici à 2028. À ce jour, TSMC n’a fait encore que considérer avec "prudence" (selon le ministre taïwanais) un investissement de 28 à 30 milliards de dollars pour une "phase 3" pour produire en N2 et A16 aux USA d’ici à 2030. Voici un p’tit rappel du projet. Théoriquement, TSMC pourrait évidemment modifier ses plans et introduire du 2 nm dès la "phase 2". Mais le fondeur le fera-t-il maintenant qu’il y est autorisé ? Y trouverait-il réellement son compte ? Autre que de ne plus avoir tous ses œufs dans le même panier ? N’oublions pas qu’il a déjà deux sites de fabrications de puces de 2 nm planifiés pour entrer en service sur la période 2025-2026 à Taïwan, avec une capacité qui sera certainement suffisante pour les temps à venir. Toutefois, rappelons aussi que TSMC anticipe une demande plus forte que prévu pour sa génération 2 nm... Apple serait le premier dans la liste d’attente des premiers clients, dont Qualcomm et MediaTek feraient également partie.
À propos de 2 nm, il se murmure que TSMC serait en avance sur le planning de la production de cette génération à l’usine de Kaohsiung. Ce site serait déjà en mesure d’atteindre l’objectif de production du site de fabrication de Baoshan, à savoir 5000 wafers par mois avec un rendement de 60 %. La production expérimentale devrait démarrer ce mois-ci, ce qui serait a priori beaucoup plus tot que prévu initialement. La carrière commerciale du N2 devrait ensuite débuter d’ici à la fin de l’année 2025, avec le démarrage de la production en volume. (Source : TPU, Tom’s)