Mercredi, Samsung a annoncé son nouveau mégaplan - élaboré conjointement avec le gouvernement coréen - pour un nouveau grand centre de production de semiconducteur (le plus grand au monde, évidemment, sinon c'est pas cool) dans son pays à Yongin, dans la province de Gyeonggi ! Vous aimez les gros chiffres ? Eh bien vous allez être servi : 230 milliards de dollars, c'est la somme prévue par Samsung pour cet investissement qui devra s'étaler sur les 20 prochaines années (soit 11,5 milliards par année en supposant une répartition égale) ! Pas de modestie ici, les Coréens ne cachent pas leurs ambitions et estiment que ce nouveau centre de production et l'expansion des fabs existantes hissera la Corée du Sud au statut de plus grand pays producteur de semiconducteur au monde, et détrônera donc Taiwan ! En échange de cet investissement, Samsung profitera d'une fiscalité allégée, de subventions et autres incitations gouvernementales.
Le nouvel établissement sera à terme constitué de 5 usines avancées équipées pour les dernières technologies, notamment avec des scanners lithographiques EUV, comme ceux de la prochaine génération de Twinscan EXE High-NA d'ASML, qui rappelons-le, devrait coûter au bas mot environ 400 millions de dollars l'unité et c'est sans même prendre en compte le coût de tous les outils spécialisés et couteux requis en parallèle pour ce type de production. Certaines de ces fabs serviront à la production de puces logiques pour les clients de Samsung Foundry, d'autres à la production de différents types de mémoire (DRAM, NAND). En sus des nouvelles usines, ce nouveau mégacentre du semiconducteur devrait également devenir le domicile de plus de 150 entreprises de l'écosystème du semiconducteur, qu'il s'agisse de fournisseurs de matières premières, de fabricants de composants et de concepteurs de puces. En effet, le gouvernement a déjà annoncé qu'il fera tout pour que l'ensemble de la chaîne de valeur du semiconducteur y trouve son compte dans le cadre d'une nouvelle coopération très étroite.
Cet investissement est un élément essentiel du projet coréen visant à attirer plus de 400 milliards de $ d'investissements privés dans les secteurs d'avenirs tels que les batteries, la biotechnologie, les écrans, les véhicules électriques, les robots et les semiconducteurs au cours des prochaines années. Dans ce cadre, le gouvernement coréen entend aussi soutenir la production des prototypes, pas moins de 10 entreprises fabless ayant déjà des ventes annuelles supérieures à 761 millions de dollars. Cette annonce coréenne n'est pas une surprise, la Chine, le Japon, l'Europe, Taiwan et les USA cherchant tous activement en ce moment à booster d'une manière ou d'une autre leurs propres industries du semiconducteur et des technologies émergentes. En tout cas, avec les coûts toujours plus élevés pour l'équipement des nouvelles usines de pointe, attendons-nous à ce que de telles annonces avec de tels chiffres deviennent à l'avenir véritablement la norme.
Ces 230 milliards sur 20 ans peuvent sembler un tantinet dérisoire face aux 100 milliards sur 3 ans que TSMC avait par exemple annoncé en 2021, d'autant plus qu'ils seront à répartir chez Samsung entre semiconducteurs logiques et puces mémoire type NAND/DRAM. Néanmoins, Samsung est dernièrement tout de même à contre-courant, étant l'un des seuls grands acteurs du semiconducteur à ne pas avoir annoncé de réductions majeures de la production ou des dépenses en investissement (CAPEX) face au contexte macroéconomique difficile. Ces dernières années, les CAPEX de Samsung et de TSMC étaient par ailleurs déjà très proches. Petit rappel aussi que Samsung avait annoncé un investissement de 116 milliards de dollars en 2020 dans le cadre de l'avancée vers le 3 nm et pour rattraper son retard sur TSMC.
Il sera intéressant aussi de découvrir les éventuelles implications pour les investissements stratégiques de Samsung ailleurs dans le monde. Une usine de 18 milliards de dollars (enfin, plutôt 25 milliards aujourd'hui) est bien en cours de construction aux USA et il se murmurait l'année dernière que Samsung considérait (vaguement) la possibilité d'y engouffrer encore 200 milliards jusqu'en 2042 pour un total de 11 fabs. En fin de compte, on dirait bien que le géant coréen a préféré concentrer le gros de ses futurs efforts et moyens surtout à domicile, fort certainement aux dépens de ses ambitions à l'étranger, ce qui n'est pas bien difficile à comprendre. Chacun (plus ou moins) chez soi et la guerre économique du semiconducteur a sûrement encore de beaux jours devant elle ! Comme pour le Monde, vers une industrie du semiconducteur multipolaire ? (Source : Bloomberg, Anandtech)