Ce n’est pas une exagération que d’affirmer que Microsoft est un habitué des affaires très médiatisées, généralement des poursuites sur fond d’antitrust. Nous n’allons pas faire un décompte exact des enquêtes auxquelles Microsoft a été confrontée depuis les 1990, que ce soit aux USA, en Europe et ailleurs dans le monde, mais il y en a facilement plus d’une dizaine, parfois résolues, parfois toujours en cours. Au fond, c’est peu étonnant considérant le statut de géant de Microsoft, son importance stratégique et son monopole sur certains marchés technologiques qui font que l’entreprise peut y exercer une très grosse influence, notamment en sa faveur, bien entendu.
Aux autorités de la concurrence donc d’essayer de temps en temps de rappeler l’entreprise à l’ordre, afin d’obtenir le meilleur équilibre innovation/concurrence, ce qui n’est évidemment pas une mince affaire, vous pensez bien. En bref, Microsoft a été poursuivi par le passé pour l’intégration d’Internet Explorer à Windows, qui a été reconnu comme un abus de position dominante. En Europe, Microsoft a aussi été mise à l’amende pour l’intégration de Windows Media à son OS et la limitation de l’interopérabilité avec la concurrence. Toujours en Europe, une procédure plus récente s’est intéressé au regroupement de Teams avec Office 365 qui désavantagerait une nouvelle fois la concurrence. Ce ne sont là que quelques exemples. Et quoi de neuf alors ?
Il se dit que la Federal Trade Commission (FTC) aurait ouvert une nouvelle procédure antitrust contre Microsoft. Suivant un an d’enquête préliminaire et d’une première grosse collecte d’informations, la FTC aurait maintenant envoyé une requête d’information très détaillée de plus de 100 pages à Microsoft visant, on l’imagine, à déterminer si Microsoft aurait effectivement encore une fois abusé de sa position. En parallèle, les avocats de la FTC auraient prévu de rencontrer les concurrents de Microsoft la semaine prochaine afin d’obtenir leurs avis sur les pratiques commerciales de Microsoft.
Mais c’est à quel sujet exactement ? La procédure ratisserait assez large et couvrirait divers domaines, de l’IA, au cloud, en passant par les licences en cybersécurité. Des segments qui sont néanmoins assez connectés. En particulier, comme en Europe, la FTC trouve problématique la tendance chez Microsoft de lier les produits de bureau aux services cloud. Par ailleurs, les craintes de la FTC auraient largement été confirmées par les derniers incidents notables chez Microsoft : l’accès illégal par des pirates à des données de clients (incluant le gouvernement) grâce à l’usage d’une "master key" Azure Cloud et la catastrophe CrowdStrike à l’origine d’un bordel (couteux) non négligeable partout dans le vrai monde !
Ni Microsoft ni la FTC n’ont accepté de commenter pour l’instant et confirmer quoi que ce soit. Mais cette affaire ne serait pas une surprise. Il y a un an, la FTC avait déjà reconnu que la concentration du marché dans le secteur du cloud (et des services associés) pourrait s’avérer très problématique en cas de défaillance ou de dégradation des services. Microsoft étant par ailleurs un contractant majeur du gouvernement américain, l’on comprend d’autant mieux pourquoi le pouvoir de l’entreprise inquiète. Enfin, de nombreux concurrents se sont déjà plaints des pratiques de Microsoft, affirmant qu’elles compliquent grandement leur capacité à faire adopter une alternative.
Reste à voir si cette énième procédure pourra vraiment aboutir. Elle est considérée comme l’un des derniers actes de la présidente sortante de la FTC, Lina Khan. Nommée par le gouvernement de Biden, elle s’était engagée dans une lutte assez dure contre le pouvoir des grosses entreprises de la Tech. Certes, sous son règne, la FTC a parfois aussi manqué le coche, par exemple avec l’échec de sa tentative de blocage de l’acquisition d’Activision-Blizzard par Microsoft. Il est fort probable que Trump va nommer quelqu’un d’autre pour ce poste et qui pourrait être moins agressif avec les affaires antitrust. Le futur président a par exemple déjà fait connaitre son scepticisme quant à la pertinence d’une scission d’Alphabet/Google... (Source : Bloomberg, Computerbase)