La Justice américaine semble bien décidée à mettre fin à la domination sans partage d’Alphabet, après qu’un juge a estimé en aout dernier que Google, avec 90 % des parts des recherches sur internet, s’est constitué un monopole illégal. Par conséquent, le Département de la Justice (DoJ) a déclaré ce mardi 8 octobre 2024 considérer demander à un juge qu’Alphabet se sépare de certaines parties de ses activités, notamment celles assurant sa suprématie dans la recherche sur internet. Officiellement, les "remèdes comportementaux et structurels" envisagés ont pour objectif de redonner enfin une vraie place à la concurrence, éviter aussi que la domination actuelle de Google ne s’étende aux nouveautés comme l’IA. Mais aussi réparer les "préjudices interdépendants et pernicieux" causés par Google aux utilisateurs et au reste de l'industrie.
Le comportement illégal de Google lui a permis d'accumuler et d'utiliser des données au détriment de ses rivaux. En conséquence, les plaignants envisagent des mesures correctives qui interdiraient à Google d'utiliser ou de conserver des données qui ne peuvent être efficacement partagées avec d'autres en raison de préoccupations liées à la protection de la vie privée. [Il faut] libérer les marchés du comportement d'exclusion de Google, supprimer les obstacles à la concurrence, priver Google des fruits de ses violations de la loi et l'empêcher de monopoliser ces marchés et les marchés connexes à l'avenir.
Déclaration du DoJ.
Ceci pourrait impacter Google, mais aussi Chrome et Android. Les services liés à l’intelligence artificielle pourraient également passer dans le collimateur des procureurs. D’abord pour prévenir la possibilité que Google puisse limiter d’une manière ou d’une autre l’accès à du contenu web par les concurrents, mais aussi pour prévoir une disposition pour permettre aux sites de refuser à Google l’accès à leur contenu pour l’entrainement de ses modèles d’IA s’ils le souhaitent. En sus, Google pourrait être obligé de mettre à disposition de ses rivaux les index, données et modèles utilisés pour la recherche sur Google et ses fonctionnalités IA. Enfin, le DoJ pourrait demander au Tribunal d’ordonner à Alphabet de mettre fin aux paiements conséquents effectués chaque année pour s’assurer que son moteur soit celui proposé par défaut dans un logiciel ou un appareil. Par exemple, en 2021, pas moins de 26,3 milliards de dollars avaient été dépensés par Google pour des paiements à cet effet à des entreprises telles qu’Apple. À noter que des acteurs tels que Mozilla génèrent parfois une grande partie de leur revenu par leurs accords avec Google.
Cette opération est un autre volet dans la pression croissante que subit Alphabet, aux USA, mais aussi ailleurs. Une autre bataille est déjà en cours entre le DoJ et Google autour de l’activité de publicité du géant du web, une affaire qui pourrait également se conclure par une séparation des différents constituants de la branche concernée. D’autre part, dans le cadre d’une affaire initiée par Epic Games, un juge américain a décidé ce lundi que Google allait devoir ouvrir son magasin d’application Google Play à la concurrence et, en l’occurrence, permettre aux applications du store d’être disponibles via d’autres sources. Dans la foulée, les développeurs des apps ne seront plus obligés d’utiliser le système de paiement interne de Google et peuvent informer les utilisateurs que leurs applications sont disponibles en dehors du Play Store. Attention, ce verdict ne s’applique qu’aux USA. Cependant, en Europe, certains points ont déjà été adressés par certaines lois, en particulier le Digital Markets Act. Rappelons aussi qu’un démantèlement de Google en Europe avait déjà été abordé, mais ne semble pas être à l’ordre du jour, d’autant moins que la responsable des affaires antitrust de l’UE, Margrethe Vestager, va quitter ses fonctions en novembre.
La séparation de Chrome ou d'Android les briserait. Des milliards de personnes se connectent grâce à Chrome et Android qui existent en tant que produits gratuits. Peu d'entreprises auraient la capacité ou la motivation de les maintenir en open source ou d'y investir au même niveau que nous.
Déclaration de Google.
Vous pensez bien qu’Alphabet n’est aucunement en accord avec ces propositions, que le groupe a qualifié de "radicales" et allant "bien au-delà des questions juridiques spécifiques à cette affaire". Il va de soi qu’Alphabet a prévu de faire appel de toutes décisions qui pourraient lui faire perdre beaucoup d’argent, comme celle concernant son Play Store. Google estime avoir conquis le marché grâce à la qualité de ses prestations, que les utilisateurs ont déjà le choix du moteur de recherche et que le sien est déjà soumis à une forte concurrence (celle d’Amazon, apparemment). Au sujet de l’IA, Google a déclaré s’opposer à une intervention gouvernementale qui pourrait étouffer le secteur et décourager les investissements à un moment crucial pour la nouvelle industrie...
Grosse affaire à suivre ! (Source : Reuters)
😲😲😲
Ca ressemble à un très gros coup de pression médiatique plus qu'autre chose, mais c'est énorme comme info !
Reste à savoir s'il s'agit d'une juridiction fédérale ou fédérée, mais si le DoJ est impliqué, ça laisserait songer qu'il s'agit de la première, et ça peut donc aller loin.
À mon avis (non-informé), il est très probable que l'histoire n'aboutira jamais à un démantèlement d'aucune sorte, Google pesant bien trop dans la balance économique des USA, mais s'il s'agit d'un coup de pression ayant pour but de leur faire participer davantage aux cotisations pour la recherche, l'innovation ou autre, ça peut clairement déboucher sur quelque chose de très bon pour tout le monde (sauf Google) !
Sur l'IA, cet été encore la directrice legal Google France me répondait, à l'occasion d'une table ronde avec deux universitaires et un député, qu'il était, techniquement, absolument impossible de demander à un modèle d'IA de supprimer de son noyau des données qu'elle avait collectées au cours de son entraînement, empêchant dès lors tout droit d'accès, d'opposition, de rectification et de suppression des données personnelles ainsi collectées, et qu'il en allait de même pour le droit d'auteur en ce qui concerne par exemple les articles de presse.
Si l'UE laisse faire sans rien dire, et laisse ces technologies pénétrer son marché intérieur (en tout bien tout honneur), je serais surpris que les USA aillent vraiment taper fort sur l'un de leurs poulains, mais c'est en tout cas particulièrement intéressant !
Merci Matt' !
Oui, ce n'est pas gagné et Google/Alphabet fera forcément appel en cas de jugement défavorable. J'ai lu que le gouvernement US avait essayé dans les années 90 de démanteler Microsoft en raison de sa domination sur le marché naissant du logiciel. Microsoft avait fait appel et le DoJ avait ensuite laissé tomber l'affaire... Bon, va savoir, le gouvernement a peut-être quand même obtenu quelque chose en retour.