Jouet Reparateur

Un accord provisoire ouvre la voie à une règle contraignant les constructeurs à permettre la réparation de leurs produits et à y inciter leurs clients.

Vendredi était une sacrée journée à Bruxelles pour la régulation du numérique. Outre l'adoption par le Conseil de l'AI Act (retrouvez notre analyse), c'est une proposition de directive concernant le droit à la réparation des produits qui a fait l'objet d'un accord provisoire ce 2 février 2024. Nos plus anciens lecteurs se rappelleront sûrement que Matt' en avait parlé en mars, époque où la Commission venait de déposer la première ébauche d'un texte qui se précise de plus en plus et est en voie de pouvoir être bientôt adopté.

Il y est question de permettre aux consommateurs faisant face à une panne, survenue après la fin de la garantie légale, de pouvoir choisir de demander une réparation au constructeur. Cela permet, d'une part, de réduire le nombre de déchets technologiques et, d'autre part, de réaliser de belles économies pour les ménages. Dans sa dernière version publique, la liste des produits concernés (en annexe n° 2) contient — en plus d'appareils électroménagers comme les lave-linges, les lave-vaisselles, les aspirateurs et autres réfrigérateurs — les smartphones, les tablettes, les serveurs et les écrans électroniques. Et celle-ci est encore susceptible d'évoluer pour inclure davantage de biens.

Lors de leur mise sur le marché intérieur de l'UE, les fabricants seront tenus à différentes contraintes et obligations vis-à-vis de leurs clients. La première sera l'obligation de faire en sorte que les produits soient, dans la mesure du possible, démontables et réparables. Le fabricant aura l'interdiction de prendre des mesures empêchant l'utilisation de pièces imprimées, de pièces provenant d'un fournisseur différent ou de pièces d'occasion. Cela aura pour conséquence de l'empêcher de réserver à certains réparateurs, agréés par lui, la possibilité de procéder à la réparation (coucou Apple !).

Lors de l'achat du produit, le fabricant (comprendre "le fabricant, son sous-traitant désigné ou son responsable légal situé dans le territoire de l'Union européenne pour les fabricants étrangers") sera tenu de porter à la connaissance du client la façon dont il pourra jouir de son droit à la réparation et les avantages qu'il aurait à faire réparer son produit plutôt que de le remplacer par un produit neuf. En effet, une plateforme en ligne de réparation, gérée par un organe de l'Union, permettra de mettre en lien les consommateurs et les réparateurs. Elle comprendra les informations fournies par le fabricant (durée de disponibilité des pièces détachées notamment) mais aussi une liste de réparateurs potentiels, une liste des pannes pouvant être réparées, le prix et la durée d'un diagnostic ainsi que le prix et la durée de la réparation.

S'il est possible de facturer au client les coûts de diagnostic, de la main d’œuvre et des pièces, ce prix devra nécessairement être raisonnable et proportionné et, en tout état de cause, ne pas excéder ce que cela coûtera au fabricant de procéder à la réparation. Le délai de cette réparation devra, lui aussi, être nécessairement raisonnable et proportionné. Les consommateurs auront alors la possibilité de bénéficier de produits de remplacement le temps que leur appareil soit réparé. Bien entendu, si le produit n'est vraiment pas réparable — la panne étant survenue après la fin de la durée de garantie — le fabricant ne sera pas tenu de réparer ou remplacer le produit. Il ne pourront, quoi qu'il en soit, pas refuser de réparer un produit réparable, même si celui-ci a déjà fait l'objet d'une réparation, soit par un réparateur tiers, soit par l'utilisateur lui-même. Enfin, le produit réparé bénéficiera d'un an de garantie supplémentaire, à moins que l’État membre sur lequel se trouve le consommateur décide d'accorder une durée de garantie encore plus longue.

Car il s'agit bien d'une directive et ce qui la différencie d'un règlement tient au fait que chaque État membre de l'Union va devoir transposer le texte dans son droit national, lui accordant ainsi une certaine marge de manœuvre, tandis que les règlements (par exemple le RGPD) s'appliquent immédiatement et de manière uniforme dans tous les pays de l'UE. Les spécialistes du droit européen sont nombreux cependant à relever que, depuis quelques années, les directives sont devenues tellement techniques et précises que la capacité des États à adapter le texte lors de la transposition est devenue bien maigre.

Pour entrer en vigueur, cet accord préalable doit encore être officiellement adopté par le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen, puis publié au Journal Officiel, ce qui pourrait intervenir dans les prochains mois. Une fois ceci fait, les États membres disposeront de 2 ans maximum pour transposer le texte dans leurs corpus législatifs et ils seront tenus, ce faisant, d'inclure des mesures sociales ou fiscales incitant les consommateurs à utiliser les services de réparation.

Reparabilite Ue

Source : Conseil de l'Union Européenne

Vaark


  • Je suis pour le droit a la réparation a la base, le plus gros problème de cette mesure et avec les forfaits prévu avec le prix des aides, c'est que cela a immédiatement fait augmenter les prix des forfaits de réparation du même coup.Un peu comme dans l'automobile avec les primes de bonus et prime a la casse, ce sont les concessionnaires qui s'en sont mis plein les poches en faisant augmenter leurs tarifs de base de voiture neuve.Les réparateurs feront pareil et le font déja dans la réparation des smartphones, l'aide du gouvernement promise est immédiatement repercuté sur les prix forfait de réparation et au final et bien c'est aussi cher qu'avant les primes.Donc attention aux dérives.

  • Est-ce que tout ça s'applique aussi pour la réparation "logicielle" ? J'entends par là, à la fin du support du firmware officiel (pour peu qu'il y ait eu un tel support), la possibilité de changer celui-ci par un firmware de son choix. Parce qu'un smartphone sous Android 6, ça me fait une belle jambe de pouvoir réparer son écran si je ne peux plus installer la moindre application dessus car toutes requièrent Android > 6...

    • Malheureusement ce n'est pas prévu par le texte.

      Il y a différentes pistes qui vont vaguement dans ce sens là dans d'autres dispositions législatives, à commencer par le L. 441-3 du Code de la consommation en droit français :

      Toute technique, y compris logicielle, par laquelle un metteur sur le marché vise à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d'un appareil ou à limiter la restauration de l'ensemble des fonctionnalités d'un tel appareil hors de ses circuits agréés est interdite. (...)

      Ou encore une proposition de directive européenne visant à donner aux consommateur les moyens d'agir en faveur de la transition écologique , actuellement en attente du Parlement et du Conseil :

      En ce qui concerne les informations à fournir aux consommateurs lors de la conclusion de contrats autres que les contrats à distance ou hors établissement, six éléments supplémentaires sont ajoutés à la liste des informations à fournir au consommateur de manière claire et compréhensible avant l’achat. Ces éléments sont les suivants : (...)
      - l’existence et la durée de la période pendant laquelle le producteur s’engage à fournir des mises à jour logicielles pour les biens comportant des éléments numériques (...)

      Mais l'une concerne l'interdiction d'empêcher la réparation de manière logicielle et l'autre est une simple obligation d'information.

      Pour autant que je le sache, la "réparation" ne comprend pas (encore) d'obligation de fournir des mises à jour logicielles au-delà de ce à quoi s'engage le fabricant, ou d'obligation de permettre l'interopérabilité logicielle de matériels qui ne sont plus pris en charge par lui...

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