Suffrages Loi Jo Article 7 Assemblee Nationale

Jeudi 23 mars, l'Assemblée nationale a adopté l'article 7 de la loi JO, dans le silence d'une actualité tout entière tournée sur la réforme des retraites

Quand on a la tête dans le guidon, il est difficile d'avoir du recul. Alors que l'actualité médiatique nationale est tout entière tournée sur la question de la réforme des retraites qui embrase le pays, le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 semble ne pas trouver de place dans le débat public. Hors de nos frontières, en revanche, les médias ont davantage tendance à traiter ce sujet qui va créer un précédent inédit en Europe.

Au terme de la première séance publique de l'Assemblée du jeudi 23 mars au matin, alors que beaucoup de parlementaires se trouvaient dans leur circonscription, l'article 7 sur l'expérimentation de l’usage de traitements algorithmiques couplés à des dispositifs de vidéoprotection et de captation d’images par voie aéroportée fut adopté dans un hémicycle composé de 73 députés sur 577.

Suffrages Loi Jo Article 7 Assemblee Nationale

On le rappelle, l'objet de cet article est de permettre d'introduire l'IA dans les dispositifs de vidéosurveillance (c'est elle qui va déterminer les images à montrer aux agents), de renforcer ces dispositifs (drones, caméras embarquées, personnels pouvant en disposer comme les policiers municipaux, les agents de la SNCF, etc.), pour une période courant officiellement de la promulgation de la loi au 31 décembre 2024.

Si chaque nouvelle législature comporte son lot de projets de lois sécuritaires, rares sont ceux qui ont été si peu médiatisés, quand bien même il semble s'agir de l'un des plus importants dispositifs de surveillance de la Vè République.

Le projet, pourtant, a donné lieu à de nombreux amendements lors de ses examens en commission comme en séances publiques, mais ceux qui concernaient la suppression de cet article 7, l'amélioration des moyens de contrôle de sa proportionnalité ou une restriction de sa temporalité ont été majoritairement écartés. Comme le sujet est technique, les arguments échangés ont pu parfois paraître obscurs ou inadaptés.

S'il y a eu, par exemple, des débats pointus sur les images de vidéosurveillance qui seraient "transformées en vecteurs mathématiques associés à des objets qui ne seraient pas vectoriels" pour déterminer s'il s'agit, ou non, de traitement biométrique, certaines interventions se plaçaient sur un tout autre niveau de technicité, telle celle d'un député arguant qu'on ne doit pas ouvrir le code source de l'algorithme au motif que "il ne faut pas donner de stratégie pour déterminer comment les forces de l'ordre vont interpeller un méchant".

Ironie à part, les trois questions essentielles soulevées par ce dispositif demeurent :

  • D'une part, de définir s'il s'agit effectivement d'un traitement biométrique au sens de la CNIL et du RGPD (le projet de loi dit explicitement le contraire, tandis que les oppositions parlementaires, en France comme en Europe, les ONG de défense des droits et l'essentiel des médias européens, à l'instar de TechCrunch estiment que c'est le cas) ;
  • D'autre part, la question du bornage de l'expérimentation à la durée des JO ou de sa pérennité, que nous avons abordée dans un précédent billet ;
  • Enfin, la question des moyens de contrôle de la proportionnalité de ce dispositif et de l'évaluation de son efficacité qui, au même titre que la vidéosurveillance sans algo, semble très délicate à élaborer.

Les prochaines étapes du cheminement de ce projet de loi sont sa discussion, sans doute finale, lors de la troisième séance publique du 11 avril 2023 puis son probable examen par le Conseil constitutionnel en cas de saisine de ce dernier, avant son éventuelle entrée en vigueur.

Vaark


  • Une boîte de pandore va s'ouvrir, bien sûr c'est pour le bien des gens (sic), et je paris qu'après le 31 décembre 2024, cette article sera prolongé ad vitam (comme beaucoup d'autre loi sécuritaire parce que terrorisme, pédophilie ou autre...) , mais si on peu en faire une "mauvaise" utilisation, soyez sûr que ce sera fait... et la France sera la 1ère à le faire légalement en Europe. (à défaut de dire qu'on est en dictature, si on dit démocratie sécuritaire, on veut-on vraiment ?)

    La quadrature du net (et beaucoup d'autres) n'arrête pas d'alerter sur ce sujet, la CNIL devrait (a le devoir de) mettre son veto, en cause la vie privée, le RGPD. La loi ne l'autorise pas pour l'instant, et pourtant, c'est déjà utilisé en France (Nice par exemple) de manière illégale.

    Difficile de faire comprendre que "c'est pas parce t'as rien à cacher que tu dois laisser tes données à qui veut" via algorithme (ou IA, avec ses biais) en plus. L'exemple américain le prouve avec les nouvelles lois anti-avortements ou la recherche de personne trans/homo.

    Le flicage est déjà assez conséquent aujourd'hui pour ne pas rajouter cette... heu... cette monstruosité ?!

    Merci d'en parler.

    • Hé les gars, vous vous souvenez du scénar de Mirror's Edge ? Moi non plus, mais on s'est dit que c'était bien !

2 commentaires

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